23 Mar

Le budget de 2017, un pas vers une croissance potentielle plus vigoureuse

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Publié par: Robert Perrier

Les nouveaux règlements hypothécaires pèsent sur les ventes de maisons
Le budget de 2017 confirme l’engagement du gouvernement à soutenir la classe moyenne en rehaussant le potentiel de croissance à long terme du Canada. Les investissements favorisant l’innovation, les compétences et la capacité à attirer les meilleurs talents de partout dans le monde en font partie. Un avantage important favorisant la concurrence et la croissance est l’ouverture du Canada à l’égard du commerce et de l’immigration, ayant un éventail plus large d’ententes de libre-échange que tout autre pays du G-7. Ceci est particulièrement déterminant aujourd’hui, alors que les États-Unis visent à se retirer du libre-échange et peut-être même à imposer des restrictions commerciales et des rajustements de taxes frontalières. De plus, les États-Unis sont devenus une destination non accueillante pour de nombreux immigrants compétents. Par exemple, dans le cas de l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, des entreprises américaines pourraient estimer qu’il est plus attrayant de s’installer au Canada pour exercer leurs activités européennes. De même, il incombe au Canada de finaliser les plans pour se joindre au Partenariat transpacifique, lequel a été rejeté par l’administration Trump.

En contradiction directe avec les États-Unis, le Canada encourage l’immigration des talents et améliore le programme de travailleurs étrangers temporaires qui est si important pour les entreprises de technologie. De plus, le budget introduit des mesures visant à améliorer les compétences et la formation des adultes et des enfants. Se préparer pour l’économie numérique se traduira par une augmentation de la formation en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques pour les enfants et les adultes, que ces derniers aient un emploi ou non.
Ottawa cible également quelques secteurs à fort potentiel qui pourront bénéficier de l’appui gouvernemental. Les industries ciblées sont la fabrication de pointe, l’agroalimentaire, la technologie propre (un secteur que l’administration Trump risque fort d’abandonner), les technologies numériques, les sciences de la santé et biologiques, et les ressources propres (également très différentes de la politique américaine proposée), en souhaitant augmenter la croissance et créer des emplois.

Le budget tient également compte des recommandations du Conseil consultatif en matière de croissance économique qui consistent à repenser les outils des programmes d’innovation existants, à éliminer ceux qui ne fonctionnent pas, à rediriger les ressources et à adopter un cadre de travail analytique pour aider efficacement le Canada à devenir concurrentiel à l’échelle mondiale. Certaines de ces mesures comprennent le développement de supergrappes, coordonnant la fertilisation croisée entre les établissements d’enseignement et les entreprises privées, ainsi que la mise en œuvre d’un nouveau fonds destiné aux innovations. Le Fonds des innovations stratégiques sera appuyé par les banques, les fonds de pension et les autres investisseurs, ainsi que par le gouvernement. Le financement du capital de risque sera soutenu par du capital supplémentaire pour la Banque de développement du Canada. Des améliorations au Régime de propriété intellectuelle du Canada seront également introduites.
Les dépenses d’infrastructures se poursuivront, étant augmentées par la Banque de l’infrastructure du Canada. Le financement privé et l’expertise permettront d’augmenter les fonds publics et, ainsi, d’accélérer les dépenses en transport en commun et celles touchant d’autres plans d’infrastructures.

Parmi les autres mesures, on note l’encouragement de l’augmentation du tourisme international, lequel est très intéressant compte tenu de la faiblesse du dollar canadien et du grand nombre de Canadiennes et de Canadiens parlant des langues étrangères qui peuvent servir ces touristes. Des mesures supplémentaires pour améliorer le potentiel de croissance à long terme sont résumées dans le tableau ci-dessous. Ce qui n’est pas inclus est une augmentation des dépenses militaires malgré l’affirmation du président Trump selon laquelle les membres de l’OTAN ne paient pas leur juste part. En effet, on s’attend à ce que le budget des dépenses militaires canadiennes décline de façon modérée.

Prudence sur le plan fiscal

De toute évidence, ce budget prévoit des déficits à perte de vue. Cependant, la bonne nouvelle est qu’Ottawa a réintroduit une réserve de prévoyance afin de s’ajuster au risque potentiel de 3,0 milliards de dollars par année. Ce fonds de réserve était une pratique établie de longue date par les gouvernements antérieurs et n’a pas été considéré dans le budget de 2016. Ottawa continue toutefois de se concentrer sur une réduction du radio dette-PIB plutôt que sur l’élimination du déficit. Cela sera sans aucun doute critiqué par les conservateurs.

Mesures fiscales

Fondamentalement, il n’y a aucune mesure fiscale majeure. Plus précisément, il n’y a pas de changement dans le traitement fiscal des gains en capital, une question d’actualité brûlante pour les médias au cours des dernières semaines. Le ministère des Finances s’en prend à l’utilisation de sociétés privées pour « distribuer » des revenus parmi les membres des familles afin de réduire les impôts. Ces sociétés privées sont assujetties à des taux d’imposition plus faibles que les taux d’impôt sur le revenu des particuliers. De même, les portefeuilles d’investissements passifs détenus par les sociétés privées seront audités. De toute évidence, l’Agence du revenu du Canada se penchera sur ces sociétés privées dans le futur pour s’assurer d’une équité fiscale parmi la classe moyenne. On prévoit que l’élimination des échappatoires, de l’évasion (tant au pays qu’à l’échelle internationale) et de l’évitement fiscaux permettra d’augmenter les revenus de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans.

Le système existant des crédits d’impôt pour les aidants sera également revu et on prévoit une extension de l’admissibilité pour les crédits d’impôt pour frais de scolarité. On mettra également en place des mesures pour renforcer le secteur des services financiers, bien qu’il s’agisse de mesures techniques et de supervision qui ne touchent pas les prêts hypothécaires précisément, ce que de nombreux intervenants de l’industrie craignaient. Les détails inhérents à ces mesures fiscales sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Initiatives en matière de logement

Plusieurs craignaient que le gouvernement adopte des mesures supplémentaires afin de ralentir le marché du logement, particulièrement à Toronto où il continue à démontrer beaucoup de vigueur. Aucune mesure de ce type n’a été prise. Le document du budget commente le niveau élevé d’endettement des ménages par rapport à leur revenu, ainsi que leurs préoccupations concernant l’abordabilité à Vancouver et à Toronto; le budget de 2017 suggère toutefois que « les mesures récentes du gouvernement (annoncées en octobre) aideront à atténuer le risque et à assurer un marché du logement sain et stable ».

Le budget de 2017 propose d’investir plus de 11,2 milliards de dollars sur 11 ans dans une série d’initiatives afin de construire, de rénover et de réparer un parc de logements abordables au Canada. Un nouveau fonds national du logement, administré par la SCHL, servira à étendre les prêts aux nouveaux logements locatifs et aux renouvellements, à soutenir l’innovation dans le logement abordable, à préserver l’abordabilité du logement social et à soutenir un secteur du logement social solide et durable. Plus de terrains fédéraux seront consacrés au logement abordable. Les détails suivront plus tard au cours de l’année.

Ce que fait le budget de 2017 est allouer tout près de 40 millions de dollars à Statistique Canada sur cinq ans pour développer et mettre en œuvre une nouvelle base de données sur le logement, le Cadre sur les statistiques sur le logement. Ce cadre de travail prend appui sur les sommes allouées dans le budget de l’an dernier pour recueillir des données sur la propriété étrangère des logements. Le cadre mettra à profit les données existantes des registres de terrains provinciaux et territoriaux, les programmes d’évaluation des propriétés et les dossiers administratifs pour créer une base de données nationale de toutes les propriétés résidentielles au Canada et offrira des données actualisées sur les achats et les ventes. Statistique Canada commencera à publier des données initiales dès l’automne 2017. Le Cadre sur les statistiques sur le logement représentera un saut important dans la qualité et le type de données sur le logement disponibles et apportera des avantages continus précieux en augmentant la capacité des intervenants et des commentateurs du secteur du logement, ainsi que celle des responsables de l’élaboration des politiques, à surveiller et à analyser le marché du logement.

Conclusion : le budget de 2017 n’a pas de répercussions néfastes. Il ignore essentiellement les conséquences des mesures possibles de l’administration Trump au Canada. Alors que les perspectives économiques des États-Unis ont été augmentées en raison de la probabilité des réductions d’impôt, des dépenses d’infrastructures et de la déréglementation du secteur énergétique, il n’y a aucune hypothèse quant à l’incidence de la renégociation de l’ALÉNA ou de la menace de la mise en œuvre d’une taxe à la frontière. Compte tenu de l’incertitude entourant ces questions, l’approche d’Ottawa est prudente.

L’économie canadienne s’est fortement améliorée depuis le budget de l’année dernière. Alors que le prix du pétrole, la valeur du dollar canadien et les taux d’intérêt aux États-Unis sont incertains, il semble que l’économie puisse croître au taux annuel approximatif de 2,3 %, le taux de chômage au Canada demeurant sous les 7 %. La résilience de l’économie canadienne a été soutenue par les actions du gouvernement dans le budget de 2016, tout comme la politique monétaire accommodante.

Bien que j’aimerais voir un plan pour retourner à un budget équilibré, le Canada n’aura aucune difficulté à financer sa dette ou à maintenir sa cote de crédit triple A.

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion
drcooper@dominionlending.ca