Les taux d’intérêt du marché ont chuté depuis que le coronavirus a incité les investisseurs à rechercher la sécurité des obligations du gouvernement. Le rendement des obligations du gouvernement à 5 ans – un précurseur des taux hypothécaires conventionnels – est maintenant de 1,34 %. Il était de 1,60 % ou plus avant que le virus ne fasse la manchette à l’échelle mondiale (voir le graphique ci-dessous).
Ce matin, une des six grandes banques canadiennes a finalement réagi. TD a réduit son taux fixe sur 5 ans à 4,99 %. Le taux affiché de TD était précédemment de 5,34 %, donc la baisse est de 36 points de base. D’autres banques ont réduit leur taux admissible à 5,19 %, en juillet dernier, ce qui a amené la Banque du Canada à ramener son taux hypothécaire conventionnel sur 5 ans à 5,19 %. Ce taux est celui qui sert à déterminer l’admissibilité en vertu de la ligne directrice B-20 entrée en vigueur le 1er janvier 2018.
Même les organismes de réglementation ont remis en question l’efficacité et l’équité de l’utilisation du taux affiché par les grandes banques pour fixer le taux servant au test de résistance hypothécaire.
Le 24 janvier, Ben Gully, surintendant auxiliaire, Secteur de la réglementation du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), a prononcé une allocution à l’Institut C.D. Howe. À son avis, le taux du test de résistance B-20 ne serait pas plus de 200 points de base au-dessus des taux contractuels. Il a dit que le BSIF a choisi « le meilleur taux disponible à ce moment-là ».
Il a ajouté que pendant des années, l’écart entre le taux de référence et le taux contractuel moyen était de 200 points. « Toutefois, a-t-il avancé, cet écart s’est récemment élargi, ce qui suggère que le taux de référence est moins réactif à l’évolution des marchés qu’au moment où il a été proposé. Nous sommes en train de revoir cet aspect de notre taux admissible, puisque le taux affiché ne joue pas le rôle que nous attendions. Comme toujours, nous communiquerons nos résultats à nos partenaires fédéraux, ce qui aidera le BSIF à bien étayer l’avis à formuler au ministre, comme en fait mention sa lettre de mandat. »
En maintenant les taux affichés à un niveau trop élevé, les six grandes banques ont fait gonfler le taux admissible. Il a ainsi été plus difficile que nécessaire de réussir le test de résistance et d’obtenir une hypothèque.
La réduction de taux de TD est une bonne nouvelle, mais le taux affiché reste trop élevé au regard des normes historiques. Au vu des taux contractuels moyens d’aujourd’hui, le taux affiché devrait être plus bas d’au moins 20 points de plus.
Les banques ont un intérêt à gonfler leurs taux hypothécaires affichés. D’abord, ils servent de base au calcul des pénalités hypothécaires des grandes banques. Ils sont aussi le taux admissible minimum.
Le taux affiché ne reflète pas convenablement l’état du marché hypothécaire, car peu d’emprunteurs paient ce taux. Fait intéressant, les banques modulent souvent ce taux de concert, ou presque. Voilà qui est signe d’une position oligopolistique dominante sur le marché.
Si une ou deux des autres grandes banques suivent TD, le taux de référence de la Banque du Canada sera sous les 5 % pour une première fois depuis janvier 2018, quand la ligne directrice B-20 a été adoptée. L’abaissement de 20 points du taux servant au test de résistance, de 5,19 % à 4,99 %, ferait qu’il faudrait 1,8 % de revenu en moins pour être admissible à une hypothèque sur une maison au prix moyen au Canada (en supposant une mise de fonds de 20 %), ce qui augmenterait le pouvoir d’achat de 2 %. Cela ne semble pas énorme, mais l’effet psychologique pourrait être important sur des marchés immobiliers qui sont déjà sur une pente ascendante. Selon les plus récentes données de l’Association canadienne de l’immeuble (ACI), le prix moyen national d’une maison a progressé de 9,6 % d’une année à l’autre, en décembre. Un taux admissible plus bas stimulerait encore un marché déjà bien actif ce printemps. |