Comme prévu, la Banque du Canada a augmenté son taux cible de financement à un jour ce matin de 25 points de base pour l’établir à 1,5 %. Ce qui n’était pas prévu est le ton belliciste du communiqué de presse qui a écarté la menace de l’augmentation du protectionnisme, mettant plutôt l’accent sur le besoin de taux d’intérêt plus élevés afin de maintenir l’inflation près de la cible. Dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’aujourd’hui, la Banque a maintenu ses prévisions de croissance de l’économie mondiale. Toutefois, l’économie américaine s’est avérée plus vigoureuse que prévu, « ce qui renforce les attentes des marchés quant à un relèvement des taux directeurs et pousse le dollar américain à la hausse. Parallèlement, les prix du pétrole ont augmenté. Le cours du dollar canadien a néanmoins baissé, ce qui reflète la vigueur généralisée du dollar américain et les préoccupations au sujet des mesures commerciales. »
L’économie canadienne continue de tourner presque à plein régime. « Les dépenses des ménages sont freinées par les taux d’intérêt plus élevés et le resserrement des lignes directrices sur les prêts hypothécaires. » Le ratio de l’endettement des ménages par rapport au revenu disponible est à la baisse comme le démontre le ralentissement de la croissance du crédit aux ménages (voir le graphique ci-dessous).
La croissance des dépenses de consommation ralentit depuis le milieu de 2017, surtout en raison d’une réduction des dépenses sensibles aux taux d’intérêt comme les achats de véhicules, de meubles, d’électroménagers et l’entretien de logements. Étant donné le ralentissement des achats de logements, les dépenses liées au logement ont également ralenti.
L’estimation de la sensibilité de la consommation et du logement aux taux d’intérêt est plus élevée que dans les cycles antérieurs, en raison du ratio élevé de l’endettement des ménages par rapport au revenu disponible. L’incidence de taux d’intérêt plus élevés diffère probablement selon les catégories d’emprunteurs, les ménages les plus endettés étant les plus touchés.
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La Banque a déclaré que « les données récentes portent à croire que les marchés du logement commencent à se stabiliser après la faiblesse observée au début de 2018. » Selon le RPM de juillet, la contribution du logement à la croissance cette année sera de seulement 0,1 point de pourcentage, alors qu’il n’y aura aucune contribution en 2019 et une incidence négative en 2020 (voir le tableau ci-dessous). Le RPM précise que l’investissement résidentiel est en baisse, reflétant les effets des taux d’intérêt plus élevés et des règles hypothécaires plus serrées. Les activités de revente se sont contractées lorsque les mesures révisées sont entrées en vigueur, mais on prévoit qu’elles s’amélioreront au cours des quelques prochains trimestres. Les données sur les activités de revente et les mises en chantier de logements semblent indiquer que le marché du logement commence à se stabiliser.
On prévoit que la croissance des dépenses dans les nouvelles constructions ralentisse au cours de la période de projection. Les nouvelles règles hypothécaires risquent de faire en sorte que les ménages achètent des logements moins onéreux, les acheteurs types ayant maintenant accès à des emprunts moins élevés.
Parallèlement, les exportations sont soutenues par la forte demande mondiale et les prix plus élevés des produits de base. « Les investissements des entreprises augmentent en réponse à la solide croissance de la demande et aux pressions sur la capacité de production, bien que les tensions commerciales pèsent sur les investissements dans certains secteurs. Dans l’ensemble, la Banque s’attend encore à ce que la croissance au Canada avoisine 2 % en moyenne sur la période 2018-2020. » Cela est un peu au-dessus de l’estimation de la croissance non inflationniste à plein rendement de la Banque, ce qui est le soi-disant taux de croissance « potentiel ».
L’inflation demeure près de 2 %, ce qui cadre avec une économie qui tourne près des limites de sa capacité. La Banque estime que la croissance sous-jacente des salaires s’établit à environ 2,3 %, ce qui est plus lent que ce à quoi on aurait pu s’attendre dans un contexte de plein emploi. Le taux de croissance actuel des salaires a récemment été stimulé par des augmentations du salaire minimum dans quelques provinces.
Ces projections économiques tiennent compte de l’effet estimé des tarifs sur l’acier et l’aluminium imposés récemment par les États-Unis, ainsi que des contremesures adoptées par le Canada. « Bien qu’il y ait des ajustements difficiles à venir pour certains secteurs et leurs travailleurs, l’effet de ces mesures sur la croissance et l’inflation au Canada devrait être modeste. »
La Banque a conclu son communiqué de presse par la déclaration suivante : « Le Conseil de direction estime que des taux d’intérêt plus élevés seront justifiés pour maintenir l’inflation près de la cible, et il continuera d’appliquer une approche graduelle, guidé par les nouvelles données. En particulier, la Banque surveille l’ajustement de l’économie aux taux d’intérêt plus élevés et l’évolution des pressions sur la capacité et les salaires, ainsi que la réaction des entreprises et des consommateurs aux mesures commerciales. »
Conclusion : Cette hausse de taux indique que la Banque du Canada est déterminée à ramener son taux cible de financement à un jour à des niveaux plus normaux et que l’économie est assez vigoureuse pour soutenir d’autres augmentations de taux. La Banque est d’avis que des investissements d’entreprises plus élevés que prévu, des prix plus élevés du pétrole et un dollar canadien plus faible compensent l’effet négatif d’une plus grande incertitude sur le plan commercial. Les exportations ont créé une surprise positive en raison de la forte demande mondiale.
La composition de la croissance au Canada a changé, passant du logement et de la consommation aux exportations et aux investissements des entreprises, le résultat désiré à la suite des nombreuses décisions de resserrement introduites par le gouvernement, la banque centrale et les organismes de réglementation afin de ralentir la croissance de l’endettement des ménages. La Banque croit que ce changement dans la composition de la croissance entraînera une expansion plus durable.
Les marchés s’attendent à ce que la Banque augmente graduellement le taux de référence jusqu’à ce qu’il atteigne 2 % ou 2,25 % d’ici la fin de 2019, ce qui signifie 2 ou 3 autres hausses de taux d’ici la fin de l’année prochaine. Le gouverneur Poloz a déclaré aujourd’hui, lors de la conférence de presse, que l’évaluation de la Banque du taux neutre quant au taux de référence est de 2,5 % à 3 %, mais il est impossible de savoir à quel moment nous y arriverons.
Le Conseil de direction de la Banque se réunira à nouveau le 5 septembre. La nouvelle projection pour l’économie et l’inflation ainsi qu’une analyse des risques connexes seront publiées dans le RPM que la Banque fera paraître le 24 octobre 2018. |