Statistique Canada vient tout juste de publier les chiffres du PIB du troisième trimestre, révélant un ralentissement prévu de la croissance à 2,0 % (tous les chiffres sont exprimés en taux annualisés), comparativement à un rythme 2,9 % au deuxième trimestre. Au cours des trois premiers trimestres de cette année, la croissance trimestrielle a atteint en moyenne 2,2 %, ce qui est inférieur à la croissance annuelle de 3,0 % enregistrée en 2017. Étant donné que l’économie canadienne tourne à son plein potentiel ou près de celui-ci, une croissance plus lente n’est donc pas une mauvaise chose.
Cependant, bien que la croissance globale de 2,0 % suive la tendance, les détails du rapport sont préoccupants. Le trimestre dernier, le gros de la croissance était attribuable à une baisse des importations, ce qui n’est guère le signe d’une économie vigoureuse, faisant en sorte que la demande intérieure finale (ce qui exclut le commerce) s’est révélée négative pour la première fois depuis le début de 2016. Le ralentissement des importations reflétait un recul dans les produits pétroliers raffinés ainsi que dans les aéronefs et autre matériel de transport.
L’économie a subi les contrecoups de la bataille commerciale entourant l’ALENA qui s’est déroulée au cours de l’été, les ménages et les entreprises ayant considérablement réduit leurs dépenses. Les dépenses de consommation ont augmenté à leur rythme le plus lent depuis plus de deux ans, tandis que les entreprises ont affiché une baisse inattendue des investissements et une réduction des stocks. Les dépenses des consommateurs se sont avérées modérées et la consommation globale des ménages a augmenté de seulement 1,2 %, freinée par les dépenses de biens durables (-2,7 %), tandis que les Canadiens ont acheté moins de véhicules pour le troisième trimestre consécutif.
La plus grande surprise dans le rapport est le déclin considérable des investissements non résidentiels des entreprises (-7,1 %). Les dépenses dans les structures non résidentielles ont diminué de 5,2 %, alors que les dépenses en machines et matériel, ce qui comprend les logiciels et le matériel informatique, ont chuté à un taux annuel de 9,8 %. Un ralentissement de l’investissement dans le secteur pétrolier et gazier a pesé sur les dépenses des entreprises.
Bien qu’on s’attendait à ce qu’il y ait une réduction des investissements résidentiels, la chute de 5,9 % observée au troisième trimestre a été plus importante que prévu. Malgré une petite hausse des ventes de propriétés, les investissements résidentiels ont affiché un recul tant dans les nouvelles constructions que dans les activités de rénovation (voir la note ci-dessous). L’investissement dans la construction de logements neufs a affiché son recul le plus important depuis le deuxième trimestre de 2009, au moment où la crise financière frappait durement l’économie mondiale. La légère hausse dans les ventes de maisons s’est traduite par une hausse considérable des coûts de transfert des propriétés, ce qui comprend les commissions de courtage immobilier, les droits de cession immobilière, les frais juridiques et les frais d’étude des dossiers (inspection et arpentage).
Sur le plan des revenus, la rémunération des employés a augmenté de 2,7 % (4,0 % par rapport à l’année précédente), faisant en sorte que l’augmentation globale des gains au cours du trimestre s’est située à 2,2 %, d’une année à l’autre. Le taux d’épargne des ménages a augmenté à 4,0 % comparativement à un taux révisé à la hausse de 3,4 % au premier trimestre.
En examinant les données mensuelles de septembre, on constate qu’il n’y avait pas vraiment d’indication de dynamisme quant au dernier trimestre de l’année en cours. En septembre, le PIB mensuel a reculé de 0,1 % alors que seulement la moitié des industries majeures ont affiché une progression. Cela est principalement dû à la baisse dans la production de biens (-0,7 %), l’extraction du pétrole et du gaz ayant accusé un recul, en partie frappée par le travail de maintenance. Par contre, on a noté des gains substantiels (+0,2 %) dans les services, mais ils se sont avérés insuffisants pour garder les résultats positifs.
Le ralentissement projeté pour le quatrième trimestre sera soutenu par l’impact à la baisse transitoire de la récente grève postale. Il est peu probable que se confirme la prévision de la Banque du Canada selon laquelle la croissance serait de 2,3 % au cours du dernier trimestre de l’année. En fait, il semble que la croissance au cours du quatrième trimestre risque de se rapprocher davantage de 1 % plutôt que de 2 %.
Répercussions pour la Banque du Canada
Le taux de croissance de 2 % prévu par la Banque du Canada était réaliste, mais la banque notera assurément la faiblesse des données sous-jacentes. La forte réduction du prix du pétrole est potentiellement plus importante pour les producteurs de pétrole canadiens qui luttent déjà contre les goulots d’étranglement dans le transport qui ont déjà massacré le secteur énergétique et ralenti la croissance en Alberta. Des réductions dans la production du pétrole sont susceptibles de frapper l’activité économique au cours du trimestre actuel et la reprise complète n’est pas prévue avant au moins le milieu de 2019.
De plus, la fermeture de l’usine de GM à Oshawa (Ontario) soulève des inquiétudes en ce qui concerne la viabilité de l’industrie de l’automobile au Canada et s’ajoute à la faiblesse des perspectives économiques. Les deux secteurs d’exportation les plus importants au Canada étant l’énergie et l’automobile, leur faiblesse fera en sorte que la Banque du Canada demeurera passive en décembre, particulièrement parce que les consommateurs risquent fort bien d’être fauchés. Les marchés prévoyaient une hausse du taux en janvier, mais les données les plus récentes suggèrent que le nombre de ceux qui s’attendaient à une telle décision a considérablement diminué. |