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1 Mar

Au quatrième trimestre, l’économie canadienne a frappé un mur

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Publié par: Robert Perrier

Statistique Canada a publié ce matin des chiffres décevants démontrant que l’économie a à peine progressé au cours du dernier trimestre de l’année dernière. Bien qu’une faiblesse était prévue dans le secteur pétrolier, l’ampleur du ralentissement a été beaucoup plus importante que celui constaté dans le secteur pétrolier et cela augure mal pour le retour vers une saine croissance cette année.

L’économie du pays a crû de seulement 0,1 % au quatrième trimestre, pour atteindre un taux de croissance annualisé de 0,4 %, la croissance la plus faible depuis le deuxième trimestre de 2016, à la baisse par rapport à un taux annualisé de 2 % au troisième trimestre et bien en deçà des attentes des économistes qui étaient un gain annualisé de l’ordre de 1 %.

Pour l’ensemble de l’année, le produit intérieur brut (PIB) réel a progressé de 1,8 % en 2018, ce qui est considérablement à la baisse comparativement au taux de croissance de 3 % enregistré en 2017. En comparaison, l’économie américaine a crû de 2,9 % l’année dernière et la croissance au quatrième trimestre était de l’ordre de 2,6 %.

L’économie du Canada a été secouée par les prix plus faibles pour l’exportation de pétrole brut et de bitume qui ont frappé l’Alberta. Le marché de l’habitation dans la province a ralenti alors que les niveaux étaient déjà faibles; les inventaires de propriétés invendues ont augmenté et les prix sont à la baisse. De plus, les investissements des entreprises ont considérablement chuté au cours des trois derniers mois de l’année et les dépenses des ménages ont ralenti pour un deuxième trimestre consécutif.

Les dépenses des consommateurs pour des biens durables, particulièrement les automobiles, battent de l’aile alors que l’ensemble des dépenses des ménages pour des produits et services a faibli. Les dépenses de consommation ont crû au rythme le plus faible observé en presque quatre ans.

La chute du secteur du logement a été la plus importante au cours des dix dernières années, les investissements des entreprises ont considérablement diminué pour un deuxième trimestre de suite et la demande intérieure a affiché son déclin le plus important depuis 2015. L’investissement dans le logement a dégringolé, atteignant un taux trimestriel de 3,9 % alors que le marché du logement continue de ralentir avec la diminution la plus importante dans les nouvelles constructions (‑5,5 % trimestriellement), suivie par les rénovations (-2,7 %) et les coûts de transfert de propriété (‑2,6 %). (*Voir la remarque ci-dessous.)

L’investissement des entreprises dans les usines et le matériel a diminué de 2,9 %, ce qui représente la plus forte baisse observée depuis le quatrième trimestre de 2016.
Le seul élément qui a empêché l’économie canadienne de se contracter est l’accumulation des stocks puisque les entreprises ont accumulé des produits. Il ne fait aucun doute qu’une grande partie de l’accumulation des stocks n’était pas intentionnelle, car le ralentissement de la demande a pris les entreprises par surprise.

Répercussions pour la Banque du Canada
L’économie canadienne a été accablée par les incertitudes commerciales, la réduction de la demande de pétrole par les États-Unis, la hausse des taux d’intérêt et le resserrement des conditions entourant le crédit hypothécaire. La confiance des consommateurs et des entreprises a diminué et l’inflation reste modeste. Malgré un marché de l’emploi relativement vigoureux, la croissance des salaires a ralenti. On s’attend généralement à ce que la Banque du Canada reste à l’écart la semaine prochaine lors de la réunion du Conseil de direction, mercredi. Les dernières prévisions de la banque centrale, soit en janvier dernier, indiquaient une croissance annualisée de 1,3 % au cours du quatrième trimestre, ce qui est plus de trois fois le rythme rapporté aujourd’hui de 0,4 %. La Banque s’attend à ce que la croissance décélère davantage pour atteindre 0,8 % pendant le trimestre en cours, avant de rebondir à un taux de croissance supérieur à 2 % d’ici l’année prochaine.
Les données les plus récentes remettent en question la possibilité que l’économie rebondisse à des niveaux plus normaux. Les données mensuelles publiées aujourd’hui démontrent que l’économie a terminé l’année en se contractant, le produit intérieur brut de décembre étant à la baisse de 0,1 %. La plupart des économistes s’attendent maintenant à ce que la Banque du Canada s’abstienne de hausser les taux d’intérêt pendant le reste de l’année.
*Remarque :
* dans les comptes du PIB, l’investissement dans le logement est techniquement appelé « formation brute de capital fixe dans les structures résidentielles ». Cela comprend trois éléments importants :

  • les nouvelles constructions résidentielles;
  • les rénovations;
  • les coûts de transfert de propriété.

Les nouvelles constructions résidentielles représentent la composante la plus importante. Les rénovations des structures résidentielles existantes sont le deuxième élément le plus important de l’investissement dans le logement. Les coûts de transfert de propriété comprennent tous les frais associés au transfert d’un actif résidentiel d’un propriétaire à un autre. Ces frais sont les suivants :

  • les commissions immobilières;
  • les droits de cession immobilière;
  • les frais juridiques (honoraires versés aux notaires, frais payés aux arpenteurs-géomètres, aux experts, etc.);
  • les frais d’étude des dossiers (inspection et arpentage).

La Banque Royale met en garde le gouvernement en ce qui concerne les mesures budgétaires visant à augmenter la demande d’accès à la propriété par les personnes de la génération millénaire
J’ai reçu hier un nouveau rapport écrit par Robert Hogue, économiste principal à la Banque Royale, qui exhorte le gouvernement fédéral à refuser le soutien prévu aux achats de propriétés par les personnes de la génération millénaire dans le budget du 19 mars prochain. M. Hogue écrit que « le ministre des Finances fédéral Bill Morneau est supposément prêt à révéler de nouvelles mesures budgétaires visant à aider davantage de Canadiens de la génération millénaire à devenir propriétaires de maison. Bien que cette génération soit confrontée à de réels défis relatifs au logement, particulièrement dans certaines des villes parmi les plus grandes et les plus chères du Canada, nous l’exhortons à agir prudemment. À première vue, des idées comme assouplir les simulations de crise hypothécaires, prolonger la période d’amortissement maximale pour les prêts hypothécaires assurés ou augmenter le montant pouvant être retiré des REER pour l’utiliser à titre de mise de fonds pour l’achat d’une première maison peuvent constituer une aide à court terme pour les acheteurs. Mais elles ne font rien pour traiter de ce qui est, à notre avis, le fondement même des difficultés en matière de logement au Canada, soit les écarts entre les combinaisons d’options dans certains des marchés les plus importants du Canada. En attendant, les mesures ne régleront pas le problème de l’endettement élevé des ménages et risquent de contribuer à l’augmentation des prix des maisons. »

L’économiste de la banque « s’oppose à la notion que le Canada a d’abord un problème d’accessibilité à la propriété. En moyenne, plus de 40 % des ménages canadiens de moins de 35 ans possèdent leur propre maison. De plus, la proportion de tous les ménages canadiens qui possèdent une maison est l’une des plus élevées parmi les économies avancées. Même Toronto et Vancouver, les marchés les moins abordables au pays, se classent près du premier rang mondial des villes quant à l’accessibilité à la propriété et ont des taux d’accessibilité qui sont environ le double de ceux observés dans des villes comme Paris et Berlin. Et malgré une baisse notable enregistrée au cours des dix dernières années, le taux de possession parmi les ménages plus jeunes (les « milléniaux » du Canada) demeure non seulement le plus élevé de l’histoire du Canada, mais aussi comparativement à d’autres pays, dont les États-Unis. »

Je vous encourage à lire le rapport. Les données apparaissant dans les graphiques sont convaincantes. Le réel problème est la pénurie de l’offre de « premières » maisons dans les villes les plus chères du Canada. Les mesures qui seront probablement présentées dans le budget ne traiteront pas des écarts de l’offre et pourraient plutôt contribuer à l’augmentation des prix. « Ce dont les personnes de la génération des millénaires de Vancouver et de Toronto ont réellement besoin est un inventaire de maisons qu’ils peuvent se permettre et une meilleure combinaison des options de logement, que ce soit pour acheter ou pour louer… Tout au moins, l’objectif global devrait être de retirer les obstacles (réglementaires, administratifs ou autres) qui empêchent les promoteurs et les constructeurs de maisons de répondre rapidement à la demande de nouveaux logements, particulièrement lorsque la demande augmente rapidement. »

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion
drcooper@dominionlending.ca