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8 Juin

Bonne nouvelle en mai : 10,6 % des emplois perdus à la COVID ont été récupérés

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Publié par: Robert Perrier

Nouveaux signes encourageants : récupération de 10,6 % de l’emploi en mai

Le rapport de mai sur l’emploi et les données de haute fréquence ont donné tort aux prophètes de malheur. Ils indiquent que l’activité économique commence à reprendre au Canada. Voilà quelques semaines que nous signalons des signes encourageants dans l’économie. Ce n’est qu’un début, mais ces signes s’amplifient. Nous sommes optimistes, sans pour autant oublier que presque 5 millions de Canadiens restent sans travail ou avec un horaire de travail sensiblement réduit.

Le marché du travail s’est amélioré de la mi-avril à la mi-mai

Les résultats de l’Enquête sur la population active (EPA) de mai, publiés ce matin par Statistique Canada, représentent les conditions du marché de l’emploi la semaine du 10 au 16 mai. À ce moment, certaines provinces avaient commencé à alléger graduellement le confinement dû à la pandémie qui a précipité notre économie dans une récession. Dès la mi-mai, le marché de l’emploi révélait une amélioration marquée, et il a certainement continué de remonter la pente par la suite.

Entre février et avril, 5,5 millions de travailleurs canadiens ont été touchés par l’arrêt des activités causé par la pandémie. Ce nombre comprend une baisse de l’emploi de 3,0 millions ainsi qu’une augmentation de 2,5 millions des absences du travail associées à la COVID. Des économistes prévoyaient la perte de 500 000 emplois de plus le mois dernier. Ils se trompaient.

En mai, l’emploi a augmenté de 290 000 (+1,8 %) tandis que le nombre de personnes qui ont fait moins de la moitié de leurs heures de travail habituelles a reculé de 292 000 (-8,6 %). Ensemble, ces changements ont compensé 10,6 % des baisses de l’emploi et des absences du travail liées à la COVID-19 observées au cours des deux mois précédents. Les trois quarts de la croissance de l’emploi observée d’avril à mai ont été enregistrés dans l’emploi à temps plein. La croissance a été constatée dans la plupart des industries et des provinces, bien qu’elle découle surtout de la hausse de l’emploi au Québec, la province la plus durement touchée par la pandémie. 

Cependant, l’emploi à temps plein restait en mai à 11,1 % sous le niveau de février – avant le confinement. L’emploi à temps partiel restait inférieur de 27,6 %.

Le taux de chômage augmente alors que davantage de Canadiens cherchent un emploi

Même si l’emploi a augmenté de la mi-avril à la mi-mai, le taux de chômage a grimpé à 13,7 % – contre 13,0 %. L’allégement des restrictions a amené davantage de travailleurs précédemment découragés à chercher activement un emploi (voir le graphique ci-dessous). Le taux de chômage de 13,7 % est le plus élevé depuis que des données comparables sont publiées, c’est-à-dire depuis 1976. En février, avant la paralysie de l’économie, le chômage était à peine à 5,6 %. Il a bondi à 7,8 % en mars et à 13 % en avril.

Au contraire de ralentissements économiques précédents, celui-ci a entraîné des pertes d’emploi d’abord dans le secteur des services. Les répercussions de la pandémie se sont ensuite étendues dans les secteurs des biens et de la construction en avril. Le mois dernier, l’emploi a repris plus nettement dans le secteur des biens (+5,0 % ou 165 000) que dans le secteur des services (+1,0% ou 125 000). L’industrie de la construction a bénéficié de la plus forte augmentation des heures travaillées entre avril et mai : +19,0 %.

Le Québec représente presque 80 % de la croissance totale de l’emploi en mai

Le gouvernement du Québec a assoupli les restrictions imposées aux activités commerciales avant la semaine de référence du dernier rapport sur l’emploi, notamment dans la construction à partir de la mi-avril et dans le commerce de détail ainsi que la fabrication à l’extérieur de Montréal à partir du 4 mai. La proportion de travailleurs travaillant à un endroit autre que leur domicile a augmenté, passant de 60 % en avril à 65 % en mai.

Les plus fortes hausses d’emploi au Québec ont été enregistrées dans la construction (+58 000), la fabrication (+56 000) ainsi que le commerce de gros et de détail (+54 000). Ces trois secteurs ont une proportion relativement élevée d’emplois qui peuvent difficilement être exercés à domicile.

L’emploi a progressé de 97 000 (+5,3 %) dans la région métropolitaine de recensement de Montréal.

L’emploi a continué de reculer en Ontario, mais à un rythme moins rapide

L’Ontario est la seule province où l’emploi a continué de reculer en mai. Voilà qui est logique vu que la plupart des restrictions de l’activité l’économique étaient encore en vigueur en Ontario durant la semaine du 10 au 16 mai.

Bien que l’emploi ait reculé en Ontario en mai (-65 000), la baisse a été beaucoup moins forte qu’en mars (-403 000) et en avril (-689 000). La totalité de la baisse de l’emploi observée dans la province est survenue dans le secteur des services (-80 000). Parallèlement, l’emploi a progressé de 15 000 dans le secteur des biens, sous l’effet d’une hausse dans la fabrication (+14 000).

La proportion des personnes en emploi qui ont travaillé moins de la moitié de leurs heures de travail habituelles a diminué en Ontario, passant de 22,1 % en avril à 21,2 % en mai.

En Ontario, 55 % des travailleurs ont travaillé à un endroit autre que leur domicile en mai, ce qui est la plus faible proportion de toutes les provinces et une proportion qui a peu varié par rapport à avril.

Comme la plupart des restrictions de l’activité économique sont demeurées en vigueur en Ontario, le nombre de personnes inactives qui voulaient travailler mais qui n’ont pas cherché d’emploi a peu varié. Le taux de chômage a continué d’augmenter, passant de 11,3 % en avril à 13,6 % en mai (voir le tableau ci-dessous).

Situation de l’emploi inégale dans les provinces de l’Ouest

En Colombie-Britannique, l’emploi a progressé de 43 000 en mai, mais le taux de chômage a augmenté de 1,9 point de pourcentage pour atteindre 13,4 %, en raison de l’augmentation du nombre de personnes cherchant un emploi. Presque toute la croissance de l’emploi observée dans la province est survenue dans le secteur des services (+41 000). Les services d’hébergement et de restauration (+12 000), les services d’enseignement (+12 000) et le commerce de gros et de détail (+12 000) ont enregistré les hausses les plus marquées.

La Colombie-Britannique a annoncé la première phase de la reprise des activités le 6 mai. Son plan comprenait la levée des restrictions relatives aux services médicaux non essentiels et à des parties de l’industrie du commerce de détail à compter du 19 mai, après la semaine de référence.

Le nombre de personnes en emploi en Alberta a augmenté de 28 000 en mai, après avoir enregistré une baisse cumulative de 361 000 de février à avril. La croissance de l’emploi dans la province est entièrement attribuable au secteur des services (+33 000). Le taux de chômage a augmenté de 2,1 points de pourcentage pour s’établir à 15,5 %.

L’Alberta a permis à certaines entreprises, comme les restaurants et les boutiques non essentielles, de reprendre leurs activités à compter du 14 mai.

Au Manitoba, l’emploi a progressé de 13 000 en mai. Parallèlement, la proportion de Manitobains en emploi qui ont travaillé moins de la moitié de leurs heures habituelles a reculé de 1,7 point de pourcentage pour s’établir à 12,9 %. En mai, la majeure partie de la hausse de l’emploi enregistrée au Manitoba est survenue dans le secteur des services (+12 000), principalement dans le commerce de gros et de détail (+7 000).

Le 4 mai, le Manitoba a permis à un certain nombre d’entreprises de services de reprendre leurs activités, sous réserve d’une limitation du nombre de personnes à l’intérieur et de mesures de distanciation physique.

L’emploi a globalement peu varié en Saskatchewan. Des augmentations dans le commerce de gros et de détail, dans la fabrication ainsi que dans les services d’hébergement et de restauration ont été contrebalancées par des baisses dans de nombreux secteurs, en particulier dans l’information, la culture et les loisirs ainsi que la construction.

L’emploi progresse dans toutes les provinces de l’Atlantique

À l’exception de la Nouvelle-Écosse, les gouvernements des provinces de l’Atlantique ont commencé à assouplir les restrictions au début de mai. Le Nouveau-Brunswick a libéré la majeure partie de son économie à compter du 8 mai. Le nombre de personnes en emploi a progressé au Nouveau-Brunswick (+17 000), à Terre-Neuve-et-Labrador (+10 000), en Nouvelle-Écosse (+8 600) et à l’Île-du-Prince-Édouard (+2 600).

Des signes encourageants

Les données s’accumulent indiquant que l’économie a touché le fond et remonte graduellement. Le nombre de fermetures d’entreprises diminue, et les premiers signes d’une amélioration apparaissent, même s’il faudra encore quelque temps avant une réouverture complète.

Dans un sondage réalisé pour Bloomberg News à la fin de mai, 30 % des répondants qui avaient perdu leur emploi ou subi une réduction d’heures de travail en raison de la pandémie affirmaient avoir été réembauchés ou travailler davantage. Les résultats de l’enquête menée par la firme Nanos concordent avec des données de haute fréquence d’Indeed Canada et de Google indiquant une stabilisation des conditions du marché du travail et de l’activité économique au cours des quelques dernières semaines.

Le scénario d’une reprise est renforcé par les tendances dans les déplacements des Canadiens. Selon des données sur la mobilité provenant des téléphones intelligents Apple et Google, pendant la deuxième moitié de mai, davantage de personnes se sont rendues dans des magasins et des parcs – ce qui coïncide avec les réouvertures un peu partout au Canada. L’utilisation des transports en commun reste en baisse, mais les déplacements en auto et à pied ont augmenté, ce qui est positif pour le commerce.

Par ailleurs, selon le Bureau du surintendant des faillites Canada, le nombre total de dossiers d’insolvabilité (faillites et propositions) a diminué de 38,7 % en avril par rapport au mois précédent. Le nombre de faillites a diminué de 41,5 % et le nombre de propositions a diminué de 37,2 %. Le nombre total de dossiers d’insolvabilité déposés en avril 2020 était inférieur de 43,5 % au nombre d’avril 2019. Le nombre de dossiers d’insolvabilité de consommateurs a diminué de 43,1 %, et le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises, de 54,8 %.

Autre fait positif, les prix des produits de base ont rebondi. En particulier, les prix du pétrole ont fortement augmenté – une excellente nouvelle pour l’Alberta et la Saskatchewan. En outre, le marché boursier canadien a connu un net redressement, et le dollar canadien est en hausse. La Banque du Canada a soutenu cette semaine que le pire du déclin dû à la pandémie est passé.

L’enquête sur les dépenses de consommation menée par les économistes de la Banque Royale indique que la reprise se poursuit, alors que les dépenses discrétionnaires ont recommencé.

  • À mesure que les provinces canadiennes ont pris des mesures pour rouvrir leurs économies, les consommateurs ont commencé à dépenser davantage sur les articles discrétionnaires qu’ils évitaient au début de la pandémie.
  • Les dépenses sur les sorties et les arts ont profité le plus de l’allégement des restrictions.
  • Les dépenses au restaurant continuent de se rétablir, alors que les restaurants proposent des plats à emporter ou la livraison à domicile.
  • Les dépenses affaiblies auprès de commerces d’habillement, de cadeaux et de bijoux ont remonté au début de mai. En particulier, les Canadiens ont dépensé davantage dans les magasins de vêtements.
  • Les dépenses auprès de commerces d’objets ménagers restent solides, grâce aux achats dans les magasins de matériaux de construction pour bricoleurs, d’appareils ménagers et de meubles.
  • Les Canadiens ont commencé à conduire davantage au début de mai, et les dépenses automobiles sur carte de crédit ont continué d’augmenter.
  • À la mi-mai, les dépenses pour les sorties et dans les commerces d’art étaient en baisse de 37 % par rapport à un an plus tôt, contre 58 % à la fin d’avril.
  • Les golfeurs ont dépoussiéré leurs bâtons quand les terrains de golf ont ouvert un peu partout au pays. Ceux qui préfèrent jouer à l’intérieur ont continué de dépenser sur des jeux en ligne ou sur console.

En ce qui concerne le marché du logement, avant la pandémie, nous paraissions devoir connaître un printemps avec une activité record de ventes dans une bonne part du pays. Sauf dans les régions pétrolières – Alberta et Saskatchewan –, tout indiquait que le marché du logement serait florissant. Les bases sont ainsi solides pour le logement en vue du rétablissement de l’économie. Il reste à voir le temps qu’il faudra pour ce rétablissement, ce qui dépendra de l’évolution du virus et de l’apparition ou non d’une deuxième vague à l’automne.

Les chambres immobilières signalent une hausse des ventes de maisons en mai dans le Grand Toronto et le Grand Vancouver.

Les taux d’intérêt ont chuté. Grâce à la baisse de 150 points de base du taux préférentiel, les taux hypothécaires variables ont été réduits pour la première fois depuis la fin de 2018. Une fois que la Banque du Canada a réussi à assurer une liquidité suffisante pour les marchés financiers, même les taux hypothécaires fixes ont baissé.

Le taux hypothécaire affiché a finalement baissé à 4,94 % la semaine passée, mais il reste bien au-dessus des taux contractuels. Avec un peu de chance toutefois, ce taux, qui est utilisé dans les tests de résistance hypothécaire, descendra dans les mois à venir. Par ailleurs, c’est le taux contractuel majoré de 200 points de base qui sera à l’avenir utilisé pour les tests de résistance, ce qui était prévu en avril avant la pandémie.

La Banque du Canada reste extrêmement accommodante. À mon avis, les taux d’intérêt n’augmenteront pas avant 2022.

Il y a tout de même une mauvaise nouvelle pour le marché de l’habitation : l’annonce d’hier de la SCHL. La société d’État va resserrer ses règles déterminant l’admissibilité à un prêt hypothécaire pour les acheteurs effectuant une mise de fonds inférieure à 20 %. Comme je l’ai fait valoir hier, je crois que cette décision va à l’encontre des mesures que la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et le ministère des Finances ont prises pour atténuer le choc de la pandémie et prévenir des cas évitables d’insolvabilité. Le resserrement des règles de la SCHL rendra les maisons moins abordables, surtout pour les acheteurs d’une première maison, par plus de 10 %. Il est au demeurant totalement injustifié du point de vue de la prudence. Pour des détails à ce sujet, voir le rapport d’hier. Bloomberg News abondait dans le même sens dans son article Canadian Housing Agency Draws Fire For Tightening Mortgage Rules (l’agence canadienne du logement critiquée pour avoir resserré les règles hypothécaires).

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion

drcooper@dominionlending.ca