La Banque du Canada accroît ses achats de titres financiers, ajoutant des obligations provinciales et des obligations d’entreprise à cote élevée à la liste.
La Banque du Canada est prête à faire tout ce qu’il faut
Face à un déclin dévastateur de l’économie canadienne, la Banque du Canada prend des mesures inédites. À la suite de pertes d’emploi records, d’une confiance en chute libre et de la mise à l’arrêt de la plupart des entreprises, le nouveau Rapport sur la politique monétaire (RPM) fait état d’une pression financière extrême et d’une contraction marquée et subite à l’échelle mondiale. La COVID-19 et l’effondrement des cours pétroliers provoquent des impacts économiques et des mesures publiques sans précédent.
« Une part substantielle de l’activité économique sera affaiblie tant que la pandémie ne sera pas maîtrisée, peut-on lire dans le RPM. Ces effets soudains ont provoqué une onde de choc sur les marchés financiers, et se traduisent par une ruée généralisée vers les valeurs sûres, une réévaluation marquée des actifs risqués et le fonctionnement déficient de bon nombre de marchés. […] Les économies mondiale et canadienne devraient se redresser lorsque l’urgence médicale prendra fin, mais le moment et la vigueur du redressement dépendront fortement de l’évolution de la pandémie et des mesures à prendre pour la contenir. Le redressement dépendra aussi de la réaction des ménages et des entreprises à la situation. Or ces facteurs sont impossibles à prévoir avec certitude. »
« L’économie canadienne était en bonne posture avant l’épidémie de COVID-19, mais depuis, elle a été frappée par des fermetures généralisées et une baisse des prix du pétrole, affirme par ailleurs la Banque du Canada dans un communiqué. L’une des premières mesures de l’ampleur des dommages a été une chute sans précédent de l’emploi en mars, avec la perte de plus d’un million d’emplois au pays. Un nombre encore plus grand de travailleurs ont signalé une réduction de leurs heures, et au début d’avril, environ six millions de Canadiens avaient demandé la Prestation canadienne d’urgence. »
« L’arrêt soudain de l’activité mondiale sera suivi de reprises régionales à différents moments, selon la durée et la gravité de l’épidémie dans chaque région, affirme encore la Banque du Canada. Par conséquent, la reprise économique mondiale, lorsqu’elle viendra, pourrait être prolongée et inégale. »
Le plus récent RPM rompt avec la tradition. Il ne présente pas de prévisions économiques détaillées. Des prévisions seraient inutiles au vu du degré d’incertitude et de l’absence de précédents pertinents. Cependant, l’analyse de différents scénarios faite par la Banque donne à penser que le niveau de l’activité réelle a diminué de 1 à 3 % au premier trimestre de 2020, et qu’il sera de 15 à 30 % plus bas au deuxième trimestre qu’au quatrième trimestre de 2019.Une inflation de 0 % est prévue, principalement en raison de la chute de prix de l’essence.
D’ajouter la Banque : « Les programmes budgétaires, conçus pour s’accroître selon l’ampleur du choc, aideront les particuliers et les entreprises à traverser cette phase de fermetures liées à la pandémie et appuieront les revenus et la confiance jusqu’à la reprise. À ces programmes se sont ajoutées les actions menées par d’autres organismes fédéraux et les provinces. »
La Banque du Canada et toutes les banques centrales ont pris des mesures pour soutenir le fonctionnement des marchés financiers essentiels et fournir des liquidités aux institutions financières. Elles ont notamment procédé à des achats massifs d’actifs et nettement réduit les taux d’intérêt. La Banque a abaissé le taux à un jour de 150 points de base en trois étapes le mois dernier, jusqu’au taux de 0,25 % qu’elle considère comme sa « valeur plancher ».Elle s’est gardée de réduire ce taux directeur à nouveau aujourd’hui, estimant que des taux d’intérêt négatifs n’étaient pas opportuns. La Banque a aussi effectué des opérations de prêt destinées aux institutions financières et des achats d’actifs sur les marchés de financement essentiels totalisant environ 200 milliards de dollars.
« Ces actions ont eu pour effet d’atténuer le dysfonctionnement des marchés et de contribuer à maintenir les canaux du crédit ouverts, bien que ceux-ci restent tendus. Le prochain défi pour les marchés sera de gérer la demande accrue de financement à court terme provenant des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des entreprises et des ménages. Cette situation nécessite des actions particulières de la banque centrale. »
La Banque du Canada, s’efforçant d’apporter de la liquidité à tous les marchés financiers tendus, est effectivement devenue l’acheteur de dernier recours. Dans le cadre de son programme annoncé précédemment, la Banque continuera d’acheter au moins 5 milliards de dollars de titres du gouvernement du Canada par semaine sur le marché secondaire. Elle augmentera le niveau des achats au besoin pour maintenir le bon fonctionnement du marché des obligations d’État. De plus, elle augmente temporairement la quantité de bons du Trésor qu’elle acquiert aux adjudications pour la porter à 40 %, et ce, dès maintenant.
La Banque a également annoncé de nouvelles mesures pour soutenir davantage le système financier canadien. Elle lancera un nouveau programme d’achat d’obligations provinciales jusqu’à concurrence 50 milliards de dollars, pour compléter son Programme d’achat de titres provinciaux sur les marchés monétaires. De plus, elle a annoncé un nouveau Programme d’achat d’obligations de sociétés, dans le cadre duquel elle achètera sur le marché secondaire jusqu’à 10 milliards de dollars d’obligations de sociétés bien cotées. Ces deux programmes seront mis en place dans les semaines à venir. Enfin, la Banque élargit encore son mécanisme de prise en pension à plus d’un jour afin de permettre un financement sur une période pouvant atteindre 24 mois.
La Banque soutiendra tous les marchés financiers canadiens à l’exception du marché boursier, et son Conseil de direction « se tient prêt à ajuster l’ampleur ou la durée des programmes de la Banque si nécessaire ». La Banque affirme que toutes ses actions « visent à aider à traverser la période de confinement actuelle et à créer les conditions d’une reprise durable et de l’atteinte de la cible d’inflation au fil du temps ».
Voilà précisément ce que la banque centrale doit faire pour convaincre que les marchés financiers canadiens resteront viables. Ses mesures sont un moyen justifié de contrebalancer la vente sous le coup de la panique. De trop nombreux investisseurs sont portés à la panique en pareilles circonstances, risquant de produire un effet d’entraînement qu’il importe d’éviter. Tant que la Banque du Canada convainc qu’elle est un rempart, la panique peut être atténuée. La Banque du Canada doit être louée pour sa réaction efficace et sa vigilance face à cette crise. Son gouverneur Stephen Poloz et son Conseil de direction ont rapidement constaté qu’il s’agissait d’une situation extrême de proportion énorme.
Par conséquent, le Canada non seulement survivra à l’orage de la pandémie mieux que bien d’autres pays, mais en outre émergera de ce tsunami économique et financier en meilleure posture.