Pour la première fois en sept ans, la Banque du Canada a annoncé aujourd’hui qu’elle haussait son taux cible de financement à un jour d’un quart de point de pourcentage (25 points de base), le fixant ainsi à 0,75 pour cent, alors que l’économie a démontré une expansion économique généralisée cette année. Rompant avec la tradition, la Banque a pris cette initiative même si l’inflation demeure de beaucoup inférieure à son taux cible de 2 pour cent. En effet, l’inflation a atteint son niveau le plus faible depuis 1999. L’indice des prix à la consommation (IPC), publié à la fin juin, a augmenté de seulement 1,3 pour cent en mai par rapport à l’année dernière, à la baisse comparativement à un rythme annuel de 1,6 pour cent enregistré en avril. Le gouverneur Poloz et la première sous-gouverneure Wilkins ont insisté sur le fait que la Banque doit commencer à augmenter ses taux de manière préventive en raison de l’effet différé du resserrement monétaire.
Les mesures de l’inflation de base annuelle, un indicateur clé suivi par la Banque du Canada qui exclut les éléments volatils comme les aliments et l’énergie, sont tombées à leur plus bas niveau en presque deux décennies. La moyenne des trois mesures clés de la banque centrale a décliné de 1,3 pour cent, son niveau le plus bas depuis mars 1999. La Banque a récemment minimisé les faibles chiffres de l’inflation, laissant croire qu’ils reflètent les effets différés de la capacité excédentaire antérieure. Les nouvelles données sur l’inflation sont de beaucoup inférieures aux prévisions de la Banque et elles demeureront fort probablement faibles pendant un certain temps puisque le prix du pétrole a une tendance à la baisse et l’inflation des salaires atteint un faible 1,3 pour cent, suivant à peine l’inflation de base.
Vendredi dernier, le rapport sur la vigueur continue de l’emploi pour juin a contribué à la hausse des taux. Le nombre d’emplois a augmenté de 45 300, haussant le gain sur 12 mois à 350 000, et réduisant le taux de chômage pour correspondre au niveau le plus bas du cycle à 6,5 %. De plus, le total des heures travaillées au deuxième trimestre a explosé au rythme le plus rapide enregistré depuis 2003. Le PIB a grimpé d’un taux impressionnant de 3,3 % d’une année à l’autre en avril, alors que des niveaux records d’exportations et d’importations suggèrent que l’activité est demeurée sur les rails en mai et, de plus, des ventes d’automobiles records laissent entendre que les consommateurs ont continué de dépenser en juin. La vigueur des dépenses demeure un autre signe qu’après avoir tiré de l’arrière pendant deux ans, le taux de croissance global du Canada a rebondi au cours de la dernière année pour surpasser le rythme de celui des États-Unis. La Banque s’attend maintenant à ce que l’écart de production se referme vers la fin de l’année.
Les marchés s’attendaient à une telle décision depuis quelque temps, alors que les autorités monétaires ont déclaré publiquement que les réductions des taux d’intérêt de 2015 semblent avoir eu l’effet escompté. Le gouverneur Stephen Poloz a déclaré que l’économie canadienne a « étonnamment » bénéficié d’une forte croissance dans les trois premiers mois de l’année en cours et qu’il s’attend à ce que le rythme de la croissance demeure au-dessus du potentiel (estimé à 1,75 pour cent), ouvrant la voie à cette hausse de taux. En réaction, le rendement des obligations du Canada a fortement augmenté, la valeur du dollar canadien a explosé une fois de plus, et les grandes banques canadiennes ont haussé leurs taux hypothécaires d’environ 20 points de base la semaine dernière, en prévision de cette décision. Le taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada sur 5 ans a explosé de près de 50 points de base le mois dernier. En effet, le rendement des obligations du gouvernement sur 10 ans est à la hausse d’environ 1,9 pour cent, le rendement le plus élevé en plus de deux ans. La valeur du dollar canadien a explosé à plus de 77,5 cents, le niveau le plus élevé en 10 mois, à la hausse de plus de 6 pour cent par rapport aux niveaux les plus faibles au début mai. La stagnation du prix du pétrole risque de renverser certains des gains qu’a effectués le dollar récemment.
Les grandes banques augmenteront également leurs taux préférentiels, faisant ainsi grimper le coût des taux hypothécaires variables, des autres prêts et des marges de crédit liées au taux de référence. Bien que les banques aient limité leur réaction aux réductions des taux d’intérêt à moins de la baisse de 25 points de base lorsque la politique monétaire était plus souple, il semblerait maintenant que les banques ajustent les taux de leurs prêts à près de la totalité de l’augmentation des 25 points de base. Cette réaction asymétrique correspond au désir des organismes de réglementation de ralentir la croissance de la dette des ménages.
Le logement est une des composantes cruciales de l’économie canadienne qui a ralenti considérablement à l’échelle nationale, conformément aux attentes de la banque centrale. Les prix et les ventes ont chuté dans le Grand Toronto et les municipalités environnantes depuis l’annonce du Plan de l’Ontario pour le logement équitable à la fin avril. Les ventes de propriétés se sont toutefois accélérées à Montréal et à Ottawa, alors qu’elles se sont stabilisées en Alberta et que Vancouver a affiché un modeste rebond après le creux qui a suivi l’imposition d’une taxe aux acheteurs étrangers en août 2016. Dans de nombreux marchés du logement, la force sous-jacente est la raison pour laquelle les responsables des politiques proposent de nouvelles règles visant à resserrer les prêts hypothécaires. Cette fois, le BSIF, l’organisme de réglementation des institutions financières, propose que les banques procèdent à des simulations de crises avec les emprunteurs non assurés à deux points de pourcentage au-dessus du taux contractuel. Et cela, malgré le fait que les emprunteurs non assurés versent une mise de fonds initiale d’au moins 20 pour cent du prix d’achat de leur propriété. Une petite hausse de taux de la Banque du Canada renforcerait les étapes à plusieurs volets afin de calmer le marché du logement dans son ensemble.
La Banque a déclaré à plusieurs reprises que « les mesures macroprudentielles et autres mesures de politique ont contribué à rendre les profils d’endettement plus soutenables », bien que les niveaux de la dette au revenu des ménages aient atteint des niveaux records (voir le tableau). |
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