Comme on s’y attendait grandement, la Banque du Canada a annoncé ce matin qu’elle haussait son taux d’intérêt d’un autre quart de point, tout en indiquant que plusieurs hausses sont encore à prévoir. Selon le gouverneur Stephen Poloz, le « gros nuage » qui flotte sur l’économie canadienne est l’incertitude liée à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et il recommande de garder à l’esprit qu’il faudra un certain temps avant que les taux d’intérêt retournent à des niveaux normaux, car certaines stimulations monétaires demeurent justifiées.
La Banque du Canada a augmenté le taux cible de financement à un jour à 1,25 %, son niveau le plus élevé depuis la crise financière mondiale, marquant la troisième hausse du taux depuis juillet. La décision a été prise dans la foulée d’un resserrement inattendu du marché de l’emploi et d’une forte confiance des entreprises et des investissements. L’économie canadienne se heurte à des contraintes de capacité alors que le taux de chômage a chuté à son niveau le plus faible en plus de 40 ans.
L’inflation s’approche de la cible de 2,0 % et les taux de salaire augmentent, mais à un rythme relativement modéré.
Les exportations ont été plus faibles que prévu. L’incertitude liée à l’ALENA « pèse énormément » sur les perspectives économiques du Canada alors que les ajustements transfrontières de la production automobile sont déjà commencés.
Les dépenses de consommation et de logement ralentiront en raison des taux d’intérêt plus élevés et des nouvelles lignes directrices portant sur les prêts hypothécaires. Selon le Rapport sur la politique monétaire (RPM), « la croissance du crédit aux ménages a quelque peu ralenti depuis le premier semestre de 2017, même si certains foyers ont vraisemblablement devancé leurs emprunts en prévision de l’entrée en vigueur de la nouvelle ligne directrice B-20 du Bureau du surintendant des institutions financières sur la souscription des prêts hypothécaires. Ce ralentissement cadre avec l’accroissement des coûts d’emprunt découlant des deux augmentations du taux directeur opérées en 2017. » Les ventes de maisons ont considérablement augmenté au cours du quatrième trimestre, avant le resserrement des règles hypothécaires du BSIF mises en œuvre au début de l’année.
Le RPM poursuit en faisant remarquer que la Banque « anticipe maintenant un niveau à peu près stable de l’investissement résidentiel pendant la période de projection. Elle s’attend à ce que le rythme de formation de nouveaux ménages génère une forte activité dans le marché du logement, en particulier dans le Grand Toronto, où l’offre de nouveaux logements n’a pas suivi le rythme de la demande. Toutefois, les hausses de taux d’intérêt, ainsi que les mesures macroprudentielles et les mesures concernant le logement, pèseront vraisemblablement sur l’expansion de l’investissement résidentiel, car certains acheteurs potentiels sont susceptibles de contracter un plus petit prêt hypothécaire ou de reporter leur achat. »
Les taux d’intérêt plus élevés feront en sorte que le coût du service de la dette augmentera, ce qui freinera la croissance de la consommation, particulièrement des biens durables, lesquels ont été des facteurs déterminants dans les dépenses au cours des derniers trimestres. « Les hauts niveaux d’endettement des ménages sont susceptibles d’amplifier l’effet des taux d’intérêt plus élevés sur la consommation, puisque le coût supérieur du service de la dette risque davantage d’imposer des contraintes à certains emprunteurs et de les forcer à modérer leurs dépenses. »
Alors que le cours de référence mondial des prix du pétrole a augmenté pendant le dernier trimestre, les prix du pétrole canadien sont demeurés stables. Les contraintes de transport auxquelles sont confrontés les producteurs de pétrole canadiens ont maintenu le prix du Western Canada Select, le laissant juste au-dessous des niveaux d’octobre. Les producteurs de pétrole canadiens ont de la difficulté à pénétrer le marché américain et, sans pipelines est-ouest, ils ne peuvent exporter le pétrole à l’extérieur des États-Unis. Cela a un effet négatif sur l’économie canadienne depuis longtemps.
Les marchés s’attendent à ce qu’il y ait trois hausses de taux cette année, situant le taux de financement à un jour à 1,75 % d’ici la fin de l’année. Ce niveau est considérablement sous l’estimation de la Banque du Canada de ce que l’on appelle le taux de financement à un jour neutre, qui est défini comme étant « le taux d’intérêt réel compatible avec un niveau de production correspondant au niveau potentiel (environ 1,6 %) et un taux d’inflation égal à la cible de 2 %. » Au Canada, le taux neutre se situerait entre 2,5 % et 3,5 %. Le besoin d’une politique monétaire accommodante continue à pleine capacité suggère que les décideurs ne prévoient pas un retour au taux neutre de sitôt.
Vous trouverez les prévisions révisées de la Banque quant à l’inflation et au PIB réel dans le tableau ci-dessous. Les chiffres entre parenthèses proviennent de la projection du Rapport sur la politique monétaire d’octobre. Les données du RPM d’aujourd’hui prévoient que l’inflation sera à la hausse alors que la croissance économique ralentira comparativement au rythme effréné de 2017 (3,0 %) pour atteindre des niveaux qui correspondent mieux au potentiel à long terme (de 1,7 % à 1,8 %).
Les prochaines décisions de la Banque du Canada continueront d’être dépendantes des données. La prochaine annonce concernant sa politique aura lieu le 7 mars. |
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