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27 Oct

La Banque du Canada met fin à certaines opérations d’injection de liquidités

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Publié par: Robert Perrier

La Banque du Canada va cesser d’acheter des Obligations hypothécaires du Canada

Ce mercredi, la Banque du Canada fera son annonce sur les taux d’intérêt et publiera son Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’octobre. La plupart des observateurs prévoient que le taux de financement à un jour restera à 0,25 %, comme il l’a fait depuis l’arrivée de la pandémie. Quelques-uns ont émis l’hypothèse que la Banque suivrait l’Australie et réduirait les taux à un jour de 15 points de base. Je ne crois pas.

L’économie du Canada ne ressemble pas tant à celle de l’Australie qu’on peut le penser. Certes, les deux pays parlent surtout anglais, sont des exportateurs de matières premières et ont un dollar comme monnaie. Mais pour le reste, ils sont très différents. L’Australie est surtout un fournisseur de la Chine et de l’Asie de l’Est, alors que le Canada exporte surtout aux États-Unis. Notre grande ressource est le pétrole, plutôt que les métaux. Et plus encore, la Banque du Canada croit que des taux plus bas ne seraient pas utiles, compte tenu des pressions qu’ils exerceraient sur le fonctionnement du système bancaire.

La Banque s’est engagée à s’en tenir à 0,25 % jusqu’à ce que la conjoncture économique assure un taux d’inflation de 2 %. Avec l’arrivée de la deuxième vague de COVID et de nouvelles restrictions de l’activité, la reprise économique ralentira dans les prochains trimestres. En outre, il est improbable que nous verrons l’inflation moyenne dépasser les 2 % d’ici la fin de 2022. Le scénario de référence de la Banque du Canada pour les taux à un jour prévoit de rester à 0,25 % jusqu’en 2023, à moins que nous constations une fin miraculeuse de la pandémie bien plus tôt que la plupart des spécialistes ne le prédisent.

En revanche, la Banque modifiera ses politiques en ce qui concerne l’assouplissement quantitatif – l’achat d’actifs financiers en vue d’injecter des liquidités dans les marchés financiers. Depuis des mois, le Conseil de direction de la Banque laisse entendre qu’il pourrait être nécessaire de « moduler » la structure du programme d’assouplissement quantitatif. On n’a guère vu de détails à ce sujet, mais nous croyons qu’il faut prévoir un passage d’un programme qui soutient le fonctionnement des marchés à un programme visant à atteindre un objectif de politique monétaire. Dans une certaine mesure, le changement est déjà en cours.

Le 15 octobre, la Banque a annoncé la fin du programme d’opérations de prise en pension, de la facilité d’achat des acceptations bancaires et du programme d’achat d’Obligations hypothécaires du Canada (PAOHC). Les secteurs concernés du marché canadien des titres à revenu fixe fonctionnent convenablement, et la Banque a sans doute estimé qu’il n’était plus nécessaire de les soutenir. La fin du PAOHC a capté l’attention de certains acteurs du marché hypothécaire, qui y ont vu la fin de la baisse des taux hypothécaires. Je crois que c’est mal comprendre les mesures prises par la Banque.

Comme l’indique le graphique ci-dessous, l’utilisation du PAOHC a sensiblement diminué depuis ses débuts mars. Simplement, il n’est plus nécessaire pour assurer la liquidité sur le marché des OHC. Depuis le mois d’août, les prêteurs utilisaient seulement 70 à 190 millions de dollars par semaine de la capacité de 500 millions de dollars de la Banque du Canada. La dernière fois que les prêteurs en ont pleinement tiré parti est en avril, quand le programme d’urgence était manifestement nécessaire. La fin de ce programme ne devrait pas avoir de grandes répercussions sur les taux hypothécaires.

« Étant donné que les conditions générales des marchés financiers continuent de s’améliorer au Canada, le recours à certains programmes offerts par la Banque du Canada pour soutenir le fonctionnement des principaux marchés financiers a nettement diminué », a indiqué la Banque en annonçant les changements. Le programme était destiné à injecter des liquidités dans le système bancaire, qui en avait bien besoin, pour assurer la disponibilité de crédit au pire de la crise. Il a été délaissé quand les tensions causées par la pandémie se sont atténuées et que les marchés sont devenus beaucoup plus autosuffisants. 

Le changement survient un mois après la décision de la Banque de réduire ses achats de bons du Trésor fédéraux et de titres provinciaux semblables. La Banque évoquait alors l’amélioration de la santé des marchés de financement à court terme.

Par ailleurs, le programme d’achat des OHC est éclipsé par le programme d’achat d’obligations du gouvernement mené par la Banque, comme l’indique le graphique ci-dessous. La banque centrale a maintes fois insisté qu’elle préserverait l’ampleur de ses programmes d’urgence d’achat d’actifs – ses achats d’obligations du gouvernement du Canada pour au moins 5 milliards de dollars par semaine – jusqu’à ce que la reprise économique soit bien lancée. Elle a aussi jusqu’à présent maintenu ses deux programmes d’achat d’obligations provinciales et d’obligations de sociétés, même si la demande à l’égard des deux programmes a été bien inférieure aux prévisions.

Les taux hypothécaires au Canada ont une corrélation de 85 % avec le rendement à 5 ans des obligations du gouvernement du Canada, lequel s’est effondré pendant la crise de la pandémie.

En somme
Des trois programmes dont la Banque a annoncé le repli, le plus important est le programme élargi de prise en pension à plus d’un jour, dans le cadre duquel la banque centrale a acheté pour plus de 200 milliards de dollars d’instruments de financement bancaire à court terme depuis la mi-mars. Le programme n’a plus engendré d’achats depuis la mi-septembre.

La facilité d’achat des acceptations bancaires, portant sur des instruments de crédit à court terme servant couramment dans le financement du commerce international, a été fortement utilisée lors de son lancement en mars. Elle ne l’a pas été du tout depuis la fin avril. La banque centrale a fait pour environ 47 milliards de dollars d’achats dans le cadre de ce programme. Cependant, tous les actifs achetés sont depuis arrivés à échéance, de sorte que la banque centrale n’a plus d’acceptations bancaires à son bilan.

Le programme d’achat d’Obligations hypothécaires du Canada date d’avant la pandémie, mais la Banque du Canada a augmenté radicalement ses achats pendant la crise. Depuis la mi-mars, elle a accumulé environ 8 milliards de dollars de ces obligations au titre de ses mesures d’urgence, ayant procédé à des achats deux fois par semaine directement auprès de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Depuis quelques mois, les achats de la Banque ont généralement été inférieurs au quart de ce qu’ils étaient couramment au printemps.

Ces changements dans le programme d’assouplissement quantitatif auront peu de répercussions sur les taux d’intérêt et les marchés hypothécaires.

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion

drcooper@dominionlending.ca