La Banque du Canada a maintenu le taux cible de financement à un jour à 1 %, après deux hausses consécutives lors des rencontres de juillet et de septembre. On s’attendait généralement à ce que la Banque reprenne son souffle cette fois-ci. La banque centrale a également publié son Rapport sur la politique monétaire (RPM) trimestriel aujourd’hui, dans lequel elle prévoit que la croissance atteindra 3,1 % cette année, 2,1 % en 2018 et 1,5 % en 2019. Le rythme rapide de la croissance économique au cours des quatre derniers trimestres a agréablement surpris la Banque. Quant à l’avenir, la Banque prévoit que le PIB ralentira à un rythme plus soutenable.
On s’attend à ce que les exportations et les investissements des entreprises contribuent à la croissance pendant la période de prévisions. Par contre, « le secteur du logement et la consommation devraient ralentir en raison des modifications apportées aux politiques touchant les marchés du logement et des taux d’intérêt plus élevés ». La Banque a poursuivi en déclarant que « du fait des hauts niveaux d’endettement, les dépenses des ménages seront probablement plus sensibles aux taux d’intérêt que par le passé ». J’irais un peu plus loin et suggérerais que la plus grande sensibilité aux taux d’intérêt est d’autant plus vraie en raison de la simulation de crise des emprunteurs imposée par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) qui se situe à 200 points de base au-dessus des taux hypothécaires contractuels.
La banque centrale entrevoit encore que la croissance mondiale s’établisse en moyenne à environ 3,5 % au cours de la période de 2017 à 2019, en mentionnant toutefois que l’incertitude demeure élevée en ce qui concerne l’évolution géopolitique et les politiques budgétaires et commerciales. Notamment, la renégociation de l’ALENA aura une incidence significative sur l’économie en Amérique du Nord, mais prenant en compte l’incertitude, les économistes de la Banque ont exclu ce facteur du scénario de référence.
Les mesures de l’inflation fondamentale ont augmenté comme prévu, mais la Banque prévoit maintenant que l’inflation augmentera à 2 % au cours du deuxième trimestre de 2018, ce qui est un peu plus tard que ce qui était prévu lors du RPM de juillet, reflétant ainsi la récente vigueur du dollar canadien.
Les investissements des entreprises contribuent à des augmentations de la capacité et de la productivité; de plus, la Banque du Canada présume maintenant que la croissance annuelle de la production potentielle se situe à 1,5 % pour 2018-2019, ce qui est légèrement au-dessus de l’hypothèse depuis avril 2017. Avec quelle rapidité l’économie peut-elle croître sans déclencher l’inflation est une grande question ces jours-ci. La banque centrale publiera une réévaluation complète de ce point critique en avril 2018. Plus le niveau de croissance potentielle est élevé, plus le niveau estimé du taux directeur nominal « neutre » est faible; il s’agit du niveau du taux à un jour qui correspond à la cible de 2 % de la Banque quant à l’inflation. Le Conseil de direction de la Banque du Canada estime maintenant que le taux neutre se situe entre 2,5 % et 3,5%. La projection économique de la Banque est fondée sur le point milieu de cette fourchette, soit 3,0 %. En d’autres mots, le Conseil de direction de la Banque du Canada estime qu’il finira par augmenter le taux directeur du niveau actuel de 1 % de 200 points de base pour atteindre 3 % lorsque l’économie aura atteint le niveau de plein emploi. Il s’agit d’une augmentation proportionnelle substantielle du taux, laquelle ralentirait sans aucun doute les dépenses sensibles aux taux d’intérêt, et rien n’est plus sensible au taux d’intérêt que le logement. C’est la raison pour laquelle on peut se demander pourquoi le BSIF a autant tenu à resserrer davantage les conditions entourant le crédit hypothécaire.
Le ton de l’énoncé de politique d’aujourd’hui était résolument plus conciliant et prudent en ce qui concerne les futures hausses du taux d’intérêt qu’il l’était en juillet et en septembre. Pourquoi? D’abord, parce qu’on a beaucoup critiqué la Banque pour avoir augmenté les taux plus rapidement que prévu, renversant les réductions de taux mises en œuvre (de manière imprévue) en 2016. Aussi, la Banque voit des risques importants dans ses perspectives. Ces risques sont précisés dans le RPM de la façon suivante :
• Une tendance au protectionnisme aux États-Unis qui affaiblirait les exportations canadiennes.
• Une incidence accrue sur l’inflation de facteurs structurels (Internet, numérisation, robots) et d’une offre excédentaire prolongée (croissance potentielle plus élevée).
• La croissance du PIB réel plus forte aux États-Unis (en raison de la déréglementation potentielle et des réductions d’impôt).
• Des dépenses de consommation plus élevées et un endettement en hausse des ménages canadiens.
• Un recul marqué des prix du logement dans les marchés en surchauffe.
La Banque du Canada perçoit le risque de ses prévisions quant à l’inflation comme étant équilibré; en d’autres mots, il est autant probable que l’inflation monte au-dessus des niveaux prévus qu’elle se situe en dessous. De plus, la Banque sera prudente quand il s’agira d’augmenter le taux d’intérêt et ses décisions seront tributaires des données. Pour reprendre leurs propres mots, « même si un degré moindre de détente monétaire sera probablement nécessaire avec le temps, le Conseil fera preuve de circonspection au moment de procéder à de futurs ajustements du taux directeur. En particulier, la Banque sera guidée par les nouvelles données sur lesquelles elle se fonde pour évaluer la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt, l’évolution des capacités économiques et la dynamique de la croissance des salaires et de l’inflation. » |