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25 Oct

La hausse de taux du gouverneur Poloz avait un ton sévère

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Publié par: Robert Perrier

Les emplois surpassent les attentes au Canada en mars, mais la croissance des salaires stagne
Comme prévu par tous, le Conseil de direction de la Banque du Canada a augmenté ce matin le taux de financement à un jour de 25 points de base, établissant le taux de référence à 1,75 %. Ceci représente la cinquième hausse du taux depuis la période actuelle de resserrement qui a débuté en juillet 2017 (voir le graphique ci-dessous). La banque centrale a déclaré que le taux de financement reviendrait à une orientation neutre, laissant tomber le mot « graduellement » qui a été utilisé pour décrire la progression à la hausse des taux depuis que le processus est amorcé. Les observateurs du marché remarqueront certainement cette omission. Pour la première fois depuis des années, la banque a reconnu qu’elle prévoit retirer entièrement la détente monétaire de l’économie.

Quel est donc le taux de financement à un jour neutre? Selon le Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’aujourd’hui, « le taux directeur nominal neutre est défini comme le taux d’intérêt réel compatible avec un niveau de production qui se maintient durablement au niveau potentiel et un taux d’inflation qui demeure égal à la cible, auquel on ajoute 2 % pour tenir compte de la cible d’inflation. Il s’agit d’un concept d’équilibre valable à moyen et à long terme. » Au Canada, le taux neutre se situe entre 2,5 % et 3,5 %, ce qui signifie qu’au minimum trois autres hausses du taux de 25 points de base sont susceptibles de survenir au cours de l’année à venir.

La Banque du Canada a insisté sur le fait que les perspectives économiques mondiales restent solides et que l’économie américaine demeure particulièrement vigoureuse malgré qu’on s’attende à ce qu’elle ralentisse en raison des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine qui exercent des pressions sur la croissance et les prix des produits de base. Le nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) a éliminé beaucoup d’incertitude quant aux exportations canadiennes, ce qui ravive la confiance des entreprises et des investissements. Les investissements des entreprises et les exportations ont semé l’inquiétude au cours des derniers trimestres et la Banque s’attend maintenant à une résurgence dans ces secteurs qui sera accrue par l’approbation récente du projet de gaz naturel en Colombie-Britannique.

Par contre, une préoccupation permanente demeure le déclin des prix du pétrole canadien. Le prix du Western Canada Select (WCS), un mélange local qui représente environ la moitié des exportations du pétrole brut du Canada, a diminué d’environ 60 % depuis juillet, alors que les prix mondiaux du pétrole ont augmenté (voir le graphique ci-dessous). Le cours du WCS a chuté sous les 20 $ US le baril la semaine dernière, affichant l’écart le plus important avec le West Texas Intermediate (WTI) jamais enregistré dans les données de Bloomberg depuis 2008. Le prix du WCS suit généralement celui du pétrole lourd du Canada, lequel se négocie à escompte par rapport au WTI en raison des problèmes de qualité ainsi que du coût du transport de l’Alberta aux raffineries aux États-Unis.

Les pipelines canadiens sont pleins à ras bord. L’incapacité de l’industrie pétrolière canadienne à bâtir un oléoduc important allant de l’Alberta aux États-Unis ou à l’océan Pacifique entraîne une baisse de plus en plus importante des prix du pétrole canadien. Les expéditions de pétrole par chemin de fer vers les États-Unis sont à leur niveau le plus élevé jamais atteint, mais il s’agit d’une option coûteuse et potentiellement dangereuse qui écarte les exportations de pétrole canadien vers la Chine et le Japon.

Une question qui préoccupe encore davantage est l’incidence de taux d’intérêt plus élevés sur les consommateurs criblés de dettes. La Banque est tout à fait consciente des risques, et le RPM mentionne que « la consommation devrait croître à un bon rythme, bien que la progression des dépenses ralentisse graduellement en réaction à la hausse des taux d’intérêt… Les taux hypothécaires plus élevés et les modifications apportées aux règles hypothécaires influent sur la dynamique de l’activité dans le secteur du logement. Les nouvelles règles hypothécaires se sont rapidement répercutées sur le niveau des reventes de logements, lequel devrait continuer d’évoluer selon une trajectoire plus basse qu’avant l’adoption de ces règles. Les nouveaux logements construits ont tendance à être plus petits, quoiqu’on estime que l’accélération de la croissance démographique stimule la demande fondamentale d’habitations. »

La croissance du crédit aux ménages a ralenti et la part des nouveaux prêts hypothécaires dont le ratio de prêt au revenu est élevé a chuté. Le ratio de la dette au revenu des ménages s’est stabilisé et on s’attend à ce qu’il diminue (voir le graphique ci-dessous).

Une diminution d’environ 15 % des émissions de prêts hypothécaires à faible RPV a été constatée au deuxième trimestre de 2018 par rapport au même trimestre en 2017 (voir les graphiques ci-dessous). Le RPM mentionne que « bien que l’activité ait chuté pour toutes les catégories d’emprunteurs, le repli a été plus marqué chez ceux dont le ratio de prêt au revenu était supérieur à 450 %, ce qui s’est traduit par une baisse du nombre de nouveaux ménages lourdement endettés ».
Conclusion : La Banque du Canada estime que l’économie croîtra d’environ 2 % par année en 2018, 2019 et 2020, ce qui cadre avec son estimation révisée à la hausse de la croissance potentielle qui est de l’ordre de 1,9 %. La Banque affirme que les mesures de resserrement hypothécaire des deux dernières années « ont réduit les vulnérabilités des ménages », mais que « l’ampleur de l’encours de la dette est telle que la vulnérabilité liée à l’endettement élevé des ménages persistera un certain temps. » Il s’agit d’un double discours de la part de la Banque du Canada. Ce que cela signifie est qu’il faut s’attendre à trois autres hausses de taux d’ici la fin de l’année prochaine.
Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion
drcooper@dominionlending.ca