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8 Juin

La SCHL resserre les critères d’admissibilité à un prêt hypothécaire assuré

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Publié par: Robert Perrier

La SCHL resserre les critères d’admissibilité à un prêt hypothécaire assuré

Encore une fois, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) resserre les critères pour l’obtention d’un financement hypothécaire avec une mise de fonds inférieure à 20 %. Tout acheteur d’une maison effectuant une mise de fonds inférieure à 20 % est tenu d’acheter une assurance prêt et de faire une mise de fonds d’au moins 5 %. La SCHL est une société d’État fédérale qui fournit une telle assurance. Elle a pour mandat d’aider les Canadiens à trouver des options abordables en matière de logement. Fournir une assurance prêt hypothécaire lors de l’achat d’une maison est une de ses principales activités. L’assurance prêt hypothécaire protège le prêteur au cas où l’emprunteur cesse de faire les paiements et se trouve en défaut sur son prêt hypothécaire – une situation très rare au Canada.

Il y a également des fournisseurs privés d’assurance prêt hypothécaire : Genworth Canada et Canada Guaranty. La SCHL est le seul assureur de prêts hypothécaires pour les immeubles à logements multiples, y compris les grands immeubles, les résidences d’étudiants, les centres de soins de longue durée et les maisons de retraite. Elle est de loin le plus grand fournisseur d’assurance prêt hypothécaire et le principal dans les petites localités et les milieux ruraux.

Les acheteurs d’immeubles de placement ne sont pas admissibles à l’assurance prêt hypothécaire. Par conséquent, il faut une mise de fonds d’au moins 20 % pour acheter un immeuble de placement. Sont aussi exclus les acheteurs d’une maison de plus de 1 million de dollars. Habituellement, c’est le prêteur qui choisit l’assureur.

Pourquoi est-ce que la SCHL resserre les critères?

Les économistes de la SCHL ont prédit qu’en raison du confinement dû à la pandémie, les prix des habitations pourraient baisser de 9 à 18 % au cours des 12 mois à venir. Ils croient aussi qu’il faudra au moins deux ans avant que les prix ne reviennent à leurs niveaux d’avant la pandémie. Les prévisions de la SCHL pour l’économie sont encore plus pessimistes que de nombreuses autres, en particulier celles de la Banque du Canada. Celle-ci affirmait hier que les perspectives de l’économie étaient plus favorables que ne l’entrevoyaient ses prévisions d’avril. La SCHL reconnaît d’ailleurs la grande incertitude entourant les prévisions actuelles. La société d’État souligne les pertes d’emplois consécutives au confinement, les fermetures d’entreprises et la baisse de l’immigration qui ont nui au marché de l’habitation au Canada.

Elle note aussi que 15 % des prêts hypothécaires sont en situation de report des paiements, et elle croit que 20 % de tous les prêts hypothécaires pourraient être en retard lorsque les reports prendront fin. Elle affirme qu’elle resserre ses critères d’admissibilité afin « de protéger les futurs acheteurs de logements et de réduire les risques ».

Ce qui change dans les politiques de souscription

À partir du 1er juillet, les changements suivants s’appliqueront à toutes les nouvelles demandes d’assurance prêt hypothécaire à l’unité et d’assurance de portefeuille pour propriétaires-occupants :

  • Le rapport d’amortissement brut de la dette (ABD) maximum baisse de 39 à 35.
  • Le rapport d’amortissement total de la dette (ATD) maximum baisse de 44 à 42.
  • Le pointage de crédit minimal exigé d’au moins un emprunteur augmente de 600 à 680.
  • Les sources non traditionnelles de mise de fonds qui augmentent l’endettement ne seront plus considérées comme des fonds propres aux fins de l’assurance prêt.

La SCHL précise comme suit sa politique : « Afin de mieux gérer les risques liés à nos activités d’assurance et, au bout du compte, pour protéger les contribuables, nous avons également suspendu l’assurance des prêts hypothécaires de refinancement pour immeubles collectifs, sauf lorsque les fonds sont utilisés pour des réparations ou un réinvestissement dans le logement. Les consultations sur le repositionnement de nos produits d’assurance prêt hypothécaire pour immeubles collectifs ont débuté. »

Ce que nous savons jusqu’à présent

Selon les indications préliminaires, les fournisseurs privés d’assurance prêt hypothécaire n’adopteront pas les ratios réduits de la SCHL. Ils pourraient toutefois se montrer plus sélectifs dans leurs approbations.

Les autorités fiscales et monétaires du Canada investissent de vastes sommes pour sauver l’économie, amortir l’impact de l’arrêt des activités et assurer une ample offre de crédit. Ces mesures visent à minimiser les cas évitables d’insolvabilité. Il est donc étonnant qu’une société d’État fédérale prenne maintenant de telles mesures procycliques.

Les répercussions exactes des changements ne seront pas connues avant que les choses se précisent. Il reste à voir comment les grandes banques réagiront avec leurs propres règles de souscription de prêts hypothécaires de premier ordre, comment ces nouvelles règles s’appliqueront au marché de la titrisation, et jusqu’où les fournisseurs privés d’assurance prêt suivront les nouvelles règles.

Quoi qu’il en soit, le tout éprouve la confiance des acheteurs et des vendeurs. Toutes autres choses étant égales, l’effet net est négatif sur les perspectives à court terme du marché de l’habitation. Plus encore, à mon avis, ces changements ne sont pas nécessaires pour protéger la prudence des pratiques canadiennes en matière de prêts pour l’habitation.

Les taux de défaillance sur les prêts hypothécaires sont faibles, et même les prévisions de la Banque du Canada restent à moins de 1 % de l’ensemble des prêts hypothécaires. En outre, les acheteurs de maison qui ont un emploi et qui satisfont aux anciens critères ont certainement un horizon d’au-delà de deux ans quand ils achètent leur première maison. Ils étaient déjà admissibles en fonction du taux affiché, qui est plus de 250 points de base plus élevé que le taux contractuel. Or, la récession due à la pandémie fait probablement que les taux d’intérêt resteront très faibles dans les deux années à venir.

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion

drcooper@dominionlending.ca