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28 Fév

Le budget des militants — Il n’y a aucun problème que ce gouvernement ne peut régler

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Publié par: Robert Perrier

Les emplois surpassent les attentes au Canada en mars, mais la croissance des salaires stagne
Se pétant les bretelles, le ministre des Finances a amorcé son allocution en nous rappelant qu’« il y a un peu plus de deux ans… les Canadiens avaient la possibilité de maintenir le cap. Ils pouvaient garder en poste un gouvernement qui favorisait des compressions et un ensemble de politiques ratées qui ont donné lieu à un chômage persistant et à la décennie de la croissance économique la plus faible depuis les pires moments de la Grande Dépression. » Cela, bien entendu, fait référence au gouvernement conservateur de Stephen Harper. Peu importe que ce soit la crise financière mondiale qui a causé la récession plutôt que les « politiques ratées » du gouvernement précédent. Dans tous les documents budgétaires, le message est que l’austérité a été « inutile » ou « excessive ». Les Canadiens ont plutôt choisi « une approche marquée par une plus grande confiance et une plus grande ambition… [qui a] donné aux Canadiens les outils dont ils ont besoin pour réussir. Tout d’abord, nous avons haussé les impôts des plus riches, afin de pouvoir les réduire pour la classe moyenne. »
Les libéraux ont oublié leur promesse d’accuser des déficits inférieurs à 10 milliards de dollars et d’équilibrer le budget avant 2019. Ils voient maintenant la gestion saine des finances comme un ratio de la dette au produit intérieur brut (PIB) décroissant (peu  importe le fait que les déficits à deux chiffres demeurent aussi loin que l’on puisse voir) jusqu’à un déficit stupéfiant de 12,3 milliards de dollars à la fin de la période de prévision de l’exercice financier 2022-2023.
Grâce à une économie plus vigoureuse que prévu et à un taux de chômage qui a diminué rapidement l’année dernière, les chiffres du déficit se sont effectivement améliorés, à la baisse de plus de 2 milliards de dollars au cours de l’exercice financier 2017 et 2018. Par contre, des initiatives dans le budget fédéral d’aujourd’hui ajoutent 6,3 milliards de dollars au budget déficitaire de l’exercice en cours (qui se termine le 31 mars 2018), 5,4 milliards de dollars seront inscrits à l’encre rouge l’an prochain et un montant de 2 à 3 milliards supplémentaire annuellement au cours des prévisions qui prennent fin après l’exercice financier de 2022-2023 (voir le tableau ci-dessous).
Heureusement, le Canada a le ratio de la dette au PIB le plus faible du G7, ce qui reflète les programmes d’austérité du passé qui ont commencé au milieu des années 1990 pour se poursuivre jusqu’à la crise financière de 2008-2009 où la politique fiscale mondiale contracyclique a été essentielle pour assurer la stabilité financière et le rebond de l’activité économique à la fin de 2009. Alors que les États-Unis et une grande partie du reste des pays développés ont souffert de la récession la plus longue et la plus profonde depuis la Grande Dépression, celle qu’a vécue le Canada a été la plus courte et la plus modérée dans la période après-guerre, contrairement à l’impression qu’a laissée le ministre des Finances au début de son intervention.
Merci pour cette toile de fond, mais le ratio de la dette au PIB du Canada continuera de décroître malgré une relance fiscale continue. Il est prévu que le ratio tende à diminuer graduellement de 30,4 % cette année à 28,4 % en 2022-2023, en présumant que l’économie continue de croître. Il est évident que tous les paris ne tiennent plus si nous frappons un nid-de-poule comme la fin de l’ALENA ou la récurrence de la chute du prix du pétrole.
Le budget 2018 propose de :

• Remettre plus d’argent dans les poches de ceux qui en ont le plus besoin en améliorant l’accès à l’Allocation canadienne pour enfants et en instaurant l’Allocation canadienne pour le travail, une prestation renforcée et plus accessible qui remplacera la Prestation fiscale pour le revenu de travail.
• Réaliser des progrès notables quant à l’égalité des chances, en jouant un rôle de chef de file pour réduire l’écart salarial entre les sexes, en appuyant des rôles parentaux égalitaires, en luttant contre la violence fondée sur le sexe ainsi que le harcèlement sexuel, et en présentant une nouvelle stratégie pour l’entrepreneuriat chez les femmes.
• Soutenir la prochaine génération de chercheurs, en accordant un financement sans précédent dans le but d’offrir plus de possibilités aux jeunes chercheurs et en leur fournissant l’équipement dont ils ont besoin, tout en renforçant le soutien aux entrepreneurs afin qu’ils innovent et que leurs entreprises prennent de l’expansion et pénètrent les marchés mondiaux.
• Faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones, en aidant à rétrécir l’écart entre la qualité de vie des Autochtones et celle des non-Autochtones, en offrant un soutien accru pour que les enfants des Premières Nations puissent demeurer en sécurité et recevoir du soutien dans leur communauté, en accélérant les progrès liés à l’eau potable salubre, au logement et à l’emploi, et en appuyant la reconnaissance des droits et l’autodétermination.
• Protéger l’environnement pour les générations futures, en accordant des investissements sans précédent pour conserver notre patrimoine naturel, en veillant à la tarification de la pollution causée par le carbone dans l’ensemble du Canada et en élargissant le soutien accordé aux projets d’énergie propre.
• Appliquer les valeurs communes du Canada et appuyer la santé et le mieux-être des Canadiens, en établissant des partenariats avec les provinces et les territoires pour lutter contre la crise des opioïdes, en prenant des mesures pour faire progresser l’assurance médicaments nationale, et en renforçant le soutien aux langues officielles du Canada.

Cette liste résume les 367 pages traitant de plus d’une centaine d’initiatives relativement petites du gouvernement qui touchent à peu près tout à partir des versements des allocations pour le travail aux familles à faible revenu, à l’amélioration de l’accès à l’Allocation canadienne pour les enfants et au soutien des possibilités pour les femmes, à l’équité salariale pour les travailleurs fédéraux, au renforcement du commerce, à l’amélioration de la formation des travailleurs et à la lutte contre l’évasion fiscale; tout ceci fait partie des 25 mesures gouvernementales décrites dans le chapitre 1 qui traite de la croissance. Les détails sur les changements des règles sur la détention de placements passifs dans des sociétés privées ainsi que la lutte contre les échappatoires fiscales sont également traités dans cette rubrique sur la croissance.

Le chapitre 2, appelé Progrès, couvre plus de 35 initiatives sous les titres Investir dans les scientistes et chercheurs canadiens, Des sciences fédérales plus solides et plus axées sur la collaboration et Plan pour l’innovation et les compétences, un partenaire fédéral plus ciblé pour les affaires.

Le chapitre 3, Réconciliation, traite surtout des peuples autochtones et offre une vingtaine de mesures à cet égard.

Finalement, le chapitre 4 appelé Avancement, couvre l’environnement par l’entremise du Patrimoine naturel du Canada, le Canada et le monde, Promouvoir nos valeurs communes, et La sécurité et l’accès à la justice. Je dois admettre avoir perdu le compte après plus de 40 initiatives.

Et ce n’est pas tout! En prime, une section appelée « Égalité » traite en détail de l’engagement du Canada envers la budgétisation fondée sur l’égalité des sexes, ce qui signifie que 6,7 millions de dollars sur cinq ans seront investis pour que « Statistique Canada crée un nouveau Centre de statistiques sur les sexes, la diversité et l’inclusion, c’est-à-dire un centre qui servira de plateforme de données pour la comptabilité budgétaire sur l’égalité des sexes afin de soutenir l’élaboration de politiques et la prise de décisions fondées sur des faits. »

Ce ne sont pas des blagues. Je calcule avoir assisté à environ 34 présentations de budget jusqu’à maintenant, mais je ne me souviens pas d’avoir déjà vu quelque chose comme ça quant à l’ampleur du nombre d’initiatives relativement petites, et je ne me souviens pas non plus d’avoir quitté une présentation de budget avec un mal de tête aussi lancinant.

Dre Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion
drcooper@dominionlending.ca