Comme prévu, la croissance enregistrée au cours du quatrième trimestre de l’année dernière est modeste comparativement à la solide performance de la première moitié. Statistique Canada a révisé à la hausse son estimation de la croissance pour la première moitié de l’année à 4,2 %, l’estimation initiale se situant à 4 %. Après une croissance économique impressionnante de 4,0 % au cours du premier trimestre et de 4,4 % au deuxième, le second semestre a ralenti à un taux révisé de 1,5 % au troisième trimestre (prévu initialement à 1,7 %) et le dernier trimestre au taux de 1,7 % (voir le tableau ci-dessous, gracieuseté d’Études économiques CIBC). La croissance enregistrée au cours du deuxième semestre concordait à peu près à l’estimation de la Banque du Canada, soit une croissance potentielle non inflationniste à long terme. La croissance affichée au premier semestre a été marquée par de fortes dépenses de consommation, particulièrement pour des biens durables, ainsi que par la vigueur des investissements des entreprises. La construction résidentielle a également contribué considérablement à la croissance au début de l’année dernière.
Le taux de croissance de l’économie canadienne de 2,9 % enregistré en 2017 a été le taux le plus rapide depuis 2011 après le taux de croissance tiède de 1,4 % de 2016. La vigueur inattendue a permis au gouvernement fédéral d’afficher des déficits budgétaires beaucoup plus petits pour les exercices financiers de 2017 et 2018 qui ont été annoncés dans la mise à jour budgétaire d’octobre. Le budget fédéral de cette semaine a toutefois démontré qu’Ottawa a choisi d’augmenter ses dépenses afin de contrebalancer ces améliorations, maintenant la trajectoire d’un déficit à deux chiffres pour les cinq prochaines années. La croissance rapide de l’année dernière a amené l’économie au plein emploi, le marché du travail s’étant considérablement amélioré. Voici maintenant le temps venu de mettre en place des mesures fiscales supplémentaires. Il aurait été plus prudent de retourner à l’équilibre budgétaire en raison des risques possibles liés à l’économie dans le futur. Alors qu’une autre ronde de négociations de l’ALENA débute à Mexico, nous ne pouvons éviter d’être préoccupés par la perspective des menaces envers le commerce canadien.
Pas plus tard qu’hier, le président Trump a annoncé son intention d’imposer des tarifs de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur les importations d’aluminium. Le Canada est le fournisseur d’acier étranger le plus important des États-Unis. Cette annonce a été sévèrement condamnée par la communauté internationale. Comme d’habitude avec Donald Trump, les détails ne sont pas clairs, mais selon Bloomberg News, les implications ont circulé pendant la septième ronde de pourparlers sur l’Accord de libre-échange nord-américain, à Mexico.
Le Canada a menacé de répliquer si les États-Unis mettent à exécution leur promesse, mais il espère qu’il pourra en être exempté. Le dollar canadien est comme le peso mexicain en ce sens que ce sont les devises qui ont connu le pire rendement au cours du dernier mois et qui ont affiché une des pires performances au cours des six derniers mois. La valeur du dollar canadien a peu changé après le rapport sur le PIB.
Rio Tinto, de London, qui expédie annuellement plus de 1,4 million de tonnes métriques d’aluminium aux États-Unis à partir du Canada, a déclaré vouloir continuer à exercer des pressions sur Washington afin d’obtenir une exemption étant donné le marché fortement intégré du Canada et des États-Unis pour les automobiles et d’autres produits manufacturés.
« L’aluminium du Canada est depuis longtemps une source fiable et sûre pour les fabricants américains, y compris le secteur de la défense », a déclaré le porte-parole de Rio Tinto Matthew Klar par courriel, selon Bloomberg News. « Nous continuerons de travailler avec les autorités américaines afin de souligner les avantages d’une chaîne d’approvisionnement d’aluminium nord-américaine intégrée, ainsi que les emplois que cela permet de maintenir de chaque côté de la frontière ». Aussi, les actions du producteur d’acier canadien Stelco Holdings ont chuté de 6,1 %. Les achats des États-Unis ont compté pour environ 14 % des ventes de Stelco au cours des six derniers mois de 2017. Le président et chef de la direction Alan Kestenbaum a mentionné la semaine dernière, lors d’une allocution portant sur les revenus de la société, qu’il souhaite que le Canada soit exempté de ces droits.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland a répliqué qu’« il est tout à fait inexact de considérer le commerce avec le Canada comme une menace à la sécurité nationale des États-Unis. Si des restrictions devaient être imposées aux produits canadiens d’acier et d’aluminium, le Canada prendrait les mesures nécessaires pour défendre ses intérêts commerciaux et ses travailleurs ».
Donald Trump a écrit sur Twitter tôt ce matin que « les guerres commerciales sont une bonne chose, et c’est facile de les gagner ». Aucun économiste au monde n’est d’accord avec cette opinion. Qui plus est, lorsque les prix américains des produits contenant des métaux commencent à monter, l’inflation grimpe et les autres pays commencent à riposter; le président Trump dira « personne ne savait que le commerce pouvait être si compliqué ». Souhaitons qu’il ne s’agisse que du non-sens de M. Trump et que certains garderont la tête froide et triompheront. Mais notre gouvernement doit avoir les munitions nécessaires pour atténuer les effets économiques de telles mesures si l’ALENA était pour être détruit ou si les entreprises canadiennes étaient frappées de droits punitifs additionnels. La Banque du Canada prendra sans aucun doute son temps pour augmenter les taux d’intérêt dans cet environnement, mais les mesures fiscales ne doivent pas être gaspillées sur des programmes inefficaces maintenant alors que de véritables mesures fiscales pourraient être nécessaires à titre de mesure contracyclique plus tard.
Le ralentissement survenu dans la seconde moitié de l’année passée était plutôt prévu compte tenu des signes démontrant que les consommateurs endettés avaient ralenti leur frénésie des dépenses. La croissance des dépenses de consommation au cours du quatrième trimestre était à son plus faible niveau depuis 2016. La perte de vitesse dans les dépenses des ménages est en partie due au taux d’épargne élevé, lequel a augmenté à 4,2 % au quatrième trimestre, alors qu’il était à 4,0 % au troisième.
Le taux de croissance sous-jacent peut être encore plus lent que le suggère le chiffre du quatrième trimestre en raison de la vigueur temporaire du secteur du logement. Les dépenses effectuées sur les structures résidentielles ont grimpé pour atteindre le taux annualisé de 13,4 % dans les trois derniers mois de l’année dernière, le taux le plus vigoureux depuis 2012. L’augmentation est surtout attribuable à la construction inattendue de nombreuses nouvelles maisons et au fait que les acheteurs se sont précipités à finaliser l’achat de leur propriété avant que les règles d’admissibilité aux prêts hypothécaires plus serrées entrent en vigueur. Nous avons déjà constaté un ralentissement marqué dans les ventes de maisons depuis le début de l’année.
Selon Statistique Canada, le bond dans les dépenses résidentielles a compté pour un point de pourcentage dans la croissance de 1,7 %. L’investissement résidentiel a affecté négativement la croissance au cours des deuxième et troisième trimestres.
Les exportations ont repris au cours du quatrième trimestre après une chute au cours du troisième, mais ce n’était pas suffisant pour faire en sorte que le secteur du commerce ne nuise pas à la croissance alors que les importations ont augmenté considérablement. Sur une note positive, l’investissement non résidentiel des entreprises s’est accéléré au cours du quatrième trimestre. |